lundi 5 février 2024

"À force de recevoir des coups de fouets, les Togolais se sont endurcis dans la souffrance", Komla Kpogli, S.G du MOLTRA

 

Komla Kpogli, S.G du MOLTRA

Dans cet entretien qu’il a voulu bien accorder à la rédaction de Liberté, Komla Kpogli, Secrétaire général du Mouvement pour la Libération Totale et la Reconstruction de l’Afrique (MOLTRA) décrypte l’actualité au Togo.

Bonjour Monsieur Kpogli. L’actualité au Togo est marquée cette semaine par un nouveau scandale Pegasus, un logiciel espion très sophistiqué de la société israélienne NSO. Deux journalistes, Loïc Lawson et Anani Sossou, ont été ciblés par cette arme numérique. Selon Reporters Sans Frontières (RSF), en 2021, une liste de 50 000 numéros a été potentiellement ciblée avec Pegasus au Togo. Votre réaction.

Komla Kpogli : Le régime de Faure Gnassingbé a toujours recours à tous les moyens qu’il peut pour contrôler le peuple togolais dans le but de se maintenir au trône colonial qu’il a usurpé depuis 2005. Il n’y a donc rien de nouveau là. Le logiciel Pegasus est mis à la disposition de Faure Gnassingbé par Israël il y a bien longtemps. Mais ce qui est certain, c’est que rien n’est éternel ici-bas. Peu importe les moyens d’espionnage, de corruption, de répression de toutes sortes que Faure Gnassingbé et ses amis utilisent, un jour nouveau finira par se lever dans ce pays. C’est à ce moment-là que les adeptes du régime héréditaire de type colonial qui brime le pays depuis 1963 comprendront qu’un peuple est une force incontrôlable sur le temps long. Dans l’histoire, il y a eu des régimes qui ont cru avoir la maitrise complète du peuple en utilisant toutes sortes de moyens répressifs et de manipulation collective, à commencer par l’espionnage. Mais cela finit toujours en faveur du peuple. Même si cela peut paraître long et très douloureux, la défaite de tout un peuple face à un régime qui le tient est toujours éphémère.

Le 09 janvier 2024, l’archevêque émérite de Lomé, Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, est rappelé par son Créateur. Quel souvenir gardez-vous de l’homme ? Monseigneur Kpodzro a joué un rôle important autant sur le plan politique que religieux au Togo. Comment comprenez l’indifférence affichée par le gouvernement à ce jour depuis l’annonce de son décès ?

Monsieur Kpodzro, en sa qualité de catholique convaincu, a fait pour le Togo ce qui était conforme à sa foi de prêtre. Nous saluons la mémoire de l’homme. Un homme courageux ayant assumé ses choix. Il a porté des convictions fortes qu’il a défendues jusqu’au bout contre le régime qui régente le Togo depuis 1963. Ce qui est inacceptable, c’est que Monsieur Philippe Fanoko Kpodzro ait fini sa vie loin de son pays natal, le Togo, d’où il a été chassé par le régime de Faure Gnassingbé et de sa Cour. Ce régime pense ainsi avoir encore gagné un point en ayant éliminé de manière indirecte Monsieur Philippe Fanoko Kpodzro. Sauf qu’en réalité, il ajoute un grief supplémentaire à la longue liste de récriminations que les Togolais tiennent contre lui. Les peuples ont de la mémoire. La faiblesse populaire constatée aujourd’hui dans le pays ne durera pas éternellement. Le moment de rendre compte va arriver.

Le Togo se prépare à organiser des élections régionales et législatives en mars prochain. Etes-vous pour ou contre les élections ? Pourquoi ? Quelle solution proposez-vous pour résoudre la crise sociopolitique qui dure depuis des
décennies ?

Il n’y a pas à être pour ou contre quelque chose qui n’a jamais existé. Le régime RPT qui se fait appeler UNIR n’a jamais organisé d’élections dans ce pays. C’est donc un abus de langage que vous commettez en appelant les mascarades et les fraudes massives teintées de violences et de corruption de toutes sortes organisées à l’échelle nationale des élections.

L’élection, c’est d’abord un État. Par conséquent, ce sont des règles et la confiance dans les institutions qui organisent et conduisent le processus électoral, comptabilisent le vote et qui proclament et valident les résultats et traitent les recours sur les principes de Justice. À chacune de ces étapes, on n’a pas besoin de faire un dessin aux Togolais pour leur montrer que le système RPT a tout pipé et a s’est toujours taillé la part du lion tout en laissant les miettes aux autres acteurs qui l’accompagnent. C’est dire donc que l’élection n’est pas le moyen adapté à ce régime. Des patriotes lucides qui ont compris cela doivent continuer à travailler autrement.

L’Assemblée nationale vient de porter le nombre des députés de 91 à 113. Estimez-vous comme certains que c’est trop pour le Togo ?

On a une Assemblée nationale au Togo ? Ce que nous avons là n’est pas une Assemblée nationale. C’est une chambre d’enregistrement désignée depuis la Tour d’Ivoire du roi Gnassingbé II. Si vous me dites que c’est une institution prévue et mise en place par la Constitution togolaise, je vous répondrai que la Constitution togolaise tellement modifiée ne ressemble plus qu’à un catalogue des désidératas du roi Faure Gnassingbé après avoir été celui de son père décédé le 5 février 2005.

Toutes les institutions dans ce pays sont physiquement et nominalement là mais elles sont perverties et détournées de leur but social, politique ou économique. Ces institutions trompe-l’oeil sont canalisées vers le service du système RPT qui a parasité l’Etat au Togo. Ce parasitisme a engendré une paralysie complète du Togo qui n’est plus que l’ombre de lui-même dans une Afrique traumatisée. Dans ces conditions, peu importe le nombre d’enregistreurs désignés. 91 ou 113, c’est pour la même fonction et pour le même but : maintenir et servir le système Etat-RPT.

L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté le 12 décembre 2023, une résolution appelant à un « cessez-le-feu humanitaire immédiat » dans la bande de Gaza. Mais le Togo dont les dirigeants se passent pour chantres de la Paix, de la médiation et de la tolérance, comme à son habitude, s’est distingué en optant pour l’abstention. Au même moment, dans le conflit entre la Chine et le Taïwan, le Togo n’a pas hésité un seul instant à prendre le parti de la Chine? Comment peut-on expliquer cette diplomatie à géométrie variable du Togo?

Il ne s’agit pas d’une diplomatie à géométrie variable, mais d’une constance diplomatique. Toutes les prises de position du système Etat-RPT sur la scène internationale sont guidées par un seul et unique but : se maintenir au pouvoir. L’idée directrice des actions et des abstentions de Faure Gnassingbé et de ses amis c’est de ne pas fâcher leurs soutiens étrangers et d’engranger d’autres amis étrangers en prévision d’une éventuelle flambée de sa confrontation permanente au peuple togolais.

Toujours sur le plan diplomatique, Faure Gnassingbé se démène pour faire libérer les prisonniers dans d’autres pays de la sous-région, mais reste foncièrement hostile à la libération des prisonniers d’opinion au Togo dont certains sont morts en détention. Pourquoi le régime togolais s’obstine tant à ne pas libérer les prisonniers politiques ?

Pendant que des gens comme Jean-Paul Oumolou sont détenus arbitrairement, le régime togolais se gargarise de faire libérer un peu partout des prisonniers politiques. C’est à pleurer de rire si tout cela ne comportait pas de tragédies. On ne peut pas, si on est un brin sérieux, aller nettoyer la cour du voisin quand sa propre maison est sale. Il faut donc que Jean-Paul Oumolou et tous les prisonniers abusivement et arbitrairement détenus soient libérés immédiatement et sans conditions. Ces libérations montreront que le régime RPT est prêt à commencer des efforts pour abandonner son double visage. Autrement, le but de Faure Gnassingbé et de ses amis en développant cette double face c’est de conserver le même visage, comme je venais de le dire. Ils n’ont qu’une obsession : garder le pouvoir colonial et ses privilèges au détriment du peuple. Pour réaliser cet objectif stratégique, leur tactique consiste à jouer aux beaux à l’extérieur tout en gardant une main ferme à l’intérieur contre tout ce qui tente de résister à eux. Ainsi, pour conjurer la menace interne que proviendrait de tout Togolais qui critique ou qui résiste à l’ordre établi instauré dans le pays, les tenants du pouvoir polissent l’image de leur régime hideux à l’extérieur.

Alors même qu’en interne, ils ne croient ni ne pratiquent aucune des vertus qu’ils énoncent à l’international, ils jouent à l’extérieur les pacificateurs, les panafricanistes, les anticolonialistes, les multipolaristes…Ils surfent sur tous les concepts en vogue au sein des opinions sur la scène internationale et en Afrique dans un but manipulateur. Tout, pour ce régime, est une affaire d’image et de superficialité pour tromper le monde extérieur afin de le mobiliser contre ce que le système RPT considère comme son ennemi mortel, le peuple togolais. Ainsi, le jour où le peuple togolais va se lever contre ce régime, Faure Gnassingbé et ses amis diront alors qu’il s’agit là d’une manipulation du peuple togolais contre eux en raison de leurs prises de position anticoloniale. Ce qui leur servirait de prétexte pour réprimer, selon eux, à juste titre. Il s’agit donc de préparer la guerre contre le peuple togolais. C’est cela la stratégie de fond de ce régime. Pour alimenter cette stratégie, ils ont même créé une chaîne télévision, New Word TV, canal télévisuel par lequel des mercenaires cathodiques font la leçon aux autres satrapes africains et aux pays occidentaux arrogants et dominateurs sans jamais égratigner le régime qui détruit le pays d’où ils émettent. Atteints d’une paralysie vocale spéciale, ces propagandistes aboient contre tout ce qui est loin tout en étant complètement silencieux sur tout ce qui est près d’eux. Quant au niveau de la vue, ce sont presbytes qui voient mieux de loin que de près. Ils voient et commentent ainsi très facilement tout ce qui se passe loin du Togo. Dès qu’il s’agit du Togo, ils n’ont plus de cordes vocales et deviennent subitement des aveugles.

Quelle lecture faites-vous du retour de Pascal Bodjona aux côtés de Faure Gnassingbé après toutes les humiliations qu’il avait subies ?

Parce que vous considériez que Pascal Bodjona était en rupture idéologique avec le système Etat-RPT ? Je n’ai jamais compris cet enthousiasme envers Bodjona et autres qui se sont retrouvés à un moment donné en bisbilles de famille avec leurs frères et soeurs et amis.

Au Togo, on a tendance à coller l’étiquette d’opposant à toute personne qui se retrouve en querelle de personnes ou de partage de prébendes au sein de la famille RPT. Cela est dû au fait que les Togolais sont à la recherche d’un sauveur coûte que coûte. Cette tendance facile doit cesser. Les Togolais doivent comprendre qu’ils sont leur propre libérateur et qu’à ce titre, ils doivent travailler sans cesse sur leur organisation en se débarrassant de la peur, de l’esprit d’indifférence vis-à-vis de nous-mêmes et du pays qui gagne du terrain, de leur personnalité changeante voire multiple disant une chose et faisant une autre…Il nous faut reconstruire la personnalité togolaise pour désormais l’habiller d’une vision collective de l’avenir basée sur le patriotisme. L’ethnisme et ce que j’appelle le partisme (culte des partis politiques au point de se battre pour savoir lequel est plus opposant que l’autre) n’a jamais construit un pays. Nous devons dépasser tout ceci pour pouvoir nous constituer en une force populaire homogène et suffisamment puissante pour renverser la vapeur.

Un mot sur l’opposition au Togo.

Si vous mettez sous le mot Opposition, les partis politiques qui parlent d’élections au Togo sous une tyrannie héréditaire de type colonial depuis 1963, alors il n’y a aucun commentaire à faire sur eux. Le résultat auquel ces partis politiques institutionnels au Togo sont parvenus parle contre eux. Il n’y a donc aucun besoin à discourir outre mesure sur cette opposition institutionnelle.

Partant de ce constat, il faut substituer à cette opposition institutionnelle une opposition populaire conduite par des patriotes avisés et qui auront compris que l’une des lois les plus constantes de l’Histoire c’est qu’on ne peut vaincre une tyrannie héréditaire par des élections. Ce type de régime appelle une autre réponse. Et cette réponse, je l’ai suffisamment montrée : c’est le Tsunami populaire. Il faut le préparer. Peu importe le temps que cela doit prendre.

Parlez-nous également de la diaspora togolaise…

À l’instar des Togolais de l’intérieur, ceux à l’étranger sont malades. Le Togolais, partout, est atteint de l’asthénie, cette maladie qui plonge ceux qui en souffrent dans un état de fatigue avant même qu’ils aient fait le moindre effort. Même si nous avons déjà payé un lourd tribut face à ce régime, il faut dire, avec toute la froideur que la lucidité exige, que nous n’avons pas encore commencé véritablement la lutte pour la libération du Togo. Car, tout ce que nous avons fait jusqu’ici contre le système État-RPT n’est pas adapté à sa nature. Notre peuple a été épuisé par un leadership qui l’a égaré sur un faux chemin soi-disant démocratique fait de participations à de fausses élections, de manifestations revendicatives sauvagement réprimées, de réclamations de réformes à une tyrannie comme si une tyrannie pouvait se réformer, de faux dialogues et d’appels à des médiations et tutti quanti. Ce faux chemin ne pouvait que conduire les Togolais dans une impasse.

La diaspora ressentant cette impasse est fatiguée elle aussi. Cette fatigue se traduit par une dispersion totale, une désorganisation radicale voire une indifférence collective à tout appel à se réorganiser. En agissant ainsi, les Togolais vivant à l’étranger commettent un crime vis-àvis du pays, car lorsque la situation est bouchée dans un pays par la répression, ce sont les filles et fils de ce pays qui sont à l’étranger qui prennent les choses en main en s’organisant sérieusement et en orientant leurs forces ainsi organisées vers le pays en soutenant les patriotes de l’intérieur. C’est ainsi que nous pouvons observer dans l’Histoire que des peuples sauvagement réprimés par des tyrans obscurs ont réussi à se libérer grâce à la mobilisation et à l’organisation de leurs enfants qui ont franchi les frontières sans que la vie à l’extérieur et en exil ait éteint en eux la flamme patriotique.

Propos du SG de MOLTRA Komlan Kpogli, recueillis par la rédaction du quotidien Liberté

dimanche 12 mars 2023

Les colonels maliens reculent sous la pression des Imams.

Le référendum prévu le 19 mars 2023 pour valider la Constitution en cours d'élaboration est reporté sine die. Pourquoi? Parceque les Imams ont appelé leurs coreligionnaires musulmans au Mali à voter contre le projet constitutionnel. Pour les Imams, il est inacceptable de voter pour une constitution qui décrit le Mali comme un "Etat laïque".

Les Imams demandent « le retrait pur et simple du mot laïcité du projet constitutionnel et son remplacement par « Etat multiconfessionnel », car pour eux, la laïcité « est une astuce que les gouvernants utilisent à leur guise pour cadenasser la ou les religions ».

Quand on sait que les Colonels ont laissé des gens qui ont critiqué l'Islam, dont Doumbi Fakoly, être jetés en prison, l'on ne peut être étonné du recul des colonels farouches opposants à la France mais mous et même obséquieux face à l'Islam qu'ils dorlotent par pur calcul politicien, mieux, par pur calcul électoraliste. Les colonels ménagent leur future clientèle électorale.
Il est étonnant, en revanche, que les Colonels qui sont contre la France coloniale fasse recours au terme "Laïcité" qui est une invention française pour contenir la religion dans la sphère privée. C'est d'ailleurs cela que reprochent les Imams aux colonels qui semblent un peu perdus sur cette question. Normalement lorsqu'on a le cochon comme totem, on ne partage pas sa viande avec les dents. 

L'avenir nous dira où vont les Colonels maliens. Si c'est l'Islam qui va conduire le Mali à sa renaissance, nous serons toutes et tous là pour le voir.

Komla Kpogli, S.G du MOLTRA