mardi 31 janvier 2006

Atelier International sur le Togo à Bamako

Compte rendu de l’atelier international des altermondialistes sur le thème suivant : Compte rendu de l’atelier "Quelles stratégies pour sortir de la dictature au Togo ?" (au FSM Bamako 2006).

Dans le cadre du forum social mondial polycentrique de Bamako (19-23 janvier 2006), un atelier de réflexion a eu lieu le samedi 21 janvier au CRES à l’Université de Badalabougou.L’atelier avait pour objectif de réfléchir à une stratégie de sortie de la dictature au Togo. 29 participants venus de différents pays dont une majorité du Togo ont pris part à la rencontre organisée par le Comité de Soutien au Peuple Togolais (CSPT, www.soutientogo.org) et modérée par Monsieur Samba Tembely, secrétaire permanent à la Coalition des Alternatives Africaines Dette et Développement (CAD Mali, www.cadmali.org).
Les Animateurs :
Monsieur Rodrigue KPOGLI, Secrétaire Général de la Jeunesse Unie pour la Démocratie en Afrique (J.U.D.A., lajuda.over-blog.com) a décrit brièvement la situation de dictature que le peuple togolais a vécu pendant trente huit années passées sous le règne de feu Eyadéma Gnassingbé. Son décès le 05 février 2005 n’a pas arrangé la situation. Son fils Faure Gnassingbé s’est imposé comme président du Togo à coup de répression et de fraude électorale.

Monsieur André Kangni AFANOU, membre de West Africa Youth Network et du Collectif des Associations de la Société Civile et des Organisations Syndicales du Togo (CASCOST) a dressé le bilan des actions de la société civile togolaise dans la période tumultueuse qui a suivi la mort de Eyadéma Gnanssingbé. Ces actions ont concerné la mobilisation du peuple togolais pour des élections transparentes, le soutien aux réfugiés, la dénonciation des violations des droits et libertés des citoyens togolais....

Dans la même lignée, Mademoiselle Enyonam ALLADO-ANKA, membre de la diaspora togolaise et du CSPT, a apporté un témoignage sur la mobilisation des togolais en France pour l’avènement d’une véritable démocratie au Togo après la disparition du Général Eyadéma : marches, sit-in, diffusion d’informations sur le cas togolais dans les médias français et sur Internet, envoi d’observateurs au Togo, etc. Soulignons que le CSPT est une initiative de citoyens français voulant témoigner la solidarité du peuple français au peuple togolais contre la dictature dont le gouvernement français est pour beaucoup responsable.

Sur un tout autre registre, mademoiselle Ashley HONKOU de Journalistes pour les Droits de l’Homme (JDHO-TOGO) a présenté le rôle de la presse dans le processus de démocratisation au Togo. Elle a décrit l’effort que les journalistes togolais font, malgré un environnement hostile, pour informer et éduquer la population.

Enfin, le dernier intervenant, Tata AMETOENYENOU, sociologue, Coordinateur des Programmes de l’Organisation d’Appui au Développement Local (OADEL, www.oadel.org) a tiré la conclusion des précédentes interventions pour dire que malgré toute ces luttes, le peuple togolais vit toujours sous l’emprise du parti RPT, parti au pouvoir depuis quarante ans.
Il a alors répondu à la question : comment faire pour sortir le Togo de cette situation ?
Se référant au thème de l’atelier, l’intervenant a fait une proposition de stratégie fondée sur trois éléments :

1/ Le manifeste de Porto Alegre, qui donne des objectifs à atteindre sans proposer vraiment de réponse concrète ;

2/ L’exemple du mouvement zapatiste, au Chiapas au Mexique. Ce mouvement qui repose véritablement sur une organisation construite par le bas et qui organise des campagnes pour que la politique joue le rôle qui n’aurait jamais dû lui échapper : faire en sorte que chaque femme, chaque homme sur cette planète puisse accéder aux droits à l’éducation, la santé, l’habitat, la liberté d’expression, etc.

3/ La déclaration sortie du sommet alternatif citoyen organisé en contre poids du sommet France-Afrique à Bamako en Décembre 2005. Cette déclaration de Bamako dit : « Pour ne pas répondre aux discours vides par d’autres discours sans effet, les participants au sommet alternatif s’engagent à mettre en place dans les prochains mois un cadre cohérent d’actions et de propositions. L’heure est venue de construire une véritable coopération entre l’Afrique et la France basée sur la vérité, la justice, l’égalité, la liberté et le respect mutuel. Le règne de la Françafrique et l’impunité de ses dirigeants doivent prendre fin. »

« Constatant l’échec de ces politiques et le refus de dialogue des participants au sommet officiel, le sommet alternatif a décidé de relayer les aspirations de la masse des citoyens, d’organiser des réseaux associatifs internationaux qui les mobilisent pour permettre à leurs résistances de se construire, de mener des actions pour exprimer leur révolte et obtenir des transformations radicales avec le peuple pour les peuples. »

Se fondant donc sur ces trois éléments, l’orateur a proposé la stratégie suivante qui, bien que se déclinant en trois point reste une et indivisible, c’est-à-dire doit être conduite simultanément :

- i. Créer un réseau de vigilance international, une sorte d’observatoire international du processus de démocratisation au Togo, ceci pour des alertes sur la violation des droits de l’homme et l’appui aux acteurs engagés sur le terrain pour un changement démocratique ;

- ii. Organiser un vaste mouvement de sensibilisation et de mobilisation au niveau mondial à l’instar de la Marche Mondiale des Femmes ou de l’Autre Campagne au Mexique afin de susciter l’adhésion de la société civile mondiale à la cause du peuple togolais ; et enfin ;

- iii. Construire un rapport de force avec le pouvoir en place, conçu sur des bases conscientes, par le bas, en profondeur, sans violence, ceci en mobilisant le peuple à l’intérieur, la diaspora à l’extérieur et les militants associatifs pour un autre monde des quatre coins de chaque continent, pour, lors d’une rencontre mondiale, permettre au peuple togolais, si isolé, de se libérer de ses bourreaux.

Les débats qui ont suivi les interventions, ont permis aux participants de mieux appréhender la réalité de la situation togolaise et d’enrichir la proposition de stratégie. Ainsi, il a été convenu que :

- Seule la mobilisation de la société civile peut aider à un véritable changement, vu l’échec répété des partis politiques, et qu’à cet égard, des exemples proches du Togo peuvent et doivent édifier le peuple togolais notamment le cas de Niger ou la Coalition contre la Vie Chère a réussi à faire reculer l’Etat et la Banque Mondiale sur l’augmentation de la TVA ;

- Cette mobilisation de la société civile doit se faire en profondeur, avec les nouveaux acteurs sociaux que sont les Comités de Développement de Quartier ou de Village, en étant surtout UNIE, en taisant les luttes intestines et les luttes de leadership ;

- La base de cette mobilisation de la société civile doit s’élargir aux autres pays de la CEDEAO et de l’Afrique, pourquoi pas, pour faire pression sur celle-ci, surtout que c’est sur elle que se décharge la France et l’Union Européenne maintenant ;

- De réfléchir au lieu de la rencontre mondiale proposée dans la stratégie, et de voir aussi quelle va être la participation des réfugiés togolais ;

- De penser dans la stratégie à la question de l’armée, celle-ci étant l’épine dans le pied du processus de démocratisation au Togo et de voir si le peuple ne peut engager une négociation/éducation avec elle.

- De rappeler à la diaspora togolaise le rôle qu’elle se doit de jouer vis à vis des représentations diplomatiques togolaises à l’étranger, en effet, ces dernières étant aux mains des tenants du pouvoir en place, toute action, ou partenariat entre togolais vivant au Togo et togolais de la diaspora est rendu difficile.

Prenant acte des différentes idées, les intervenants et les participants ont invité le peuple togolais à continuer la réflexion, et à élaborer un plan d’action opérationnel qui peut servir de base cohérente d’actions.

Le forum social mondial de Nairobi en 2007 (et d’autres espaces internationaux de débats) est une opportunité à saisir par le peuple togolais et la société civile pour mobiliser les citoyens du monde à leur cause.

Rapporteur

Yawo Tata AMETOEYNENOU