jeudi 11 décembre 2008

Droits de l’Homme : l’aveu français.



10 décembre 2008
Rodrigue KPOGLI
http://lajuda.blogspot.com/

Les Africains sont un des peuples ayant toujours dénoncé la duplicité occidentale et française en particulier. Eux qui subissent sans solution de discontinuité, les affres de la politique française, ont enfin un soutien de taille. Bernard Kouchner, ministre français des affaires étrangères avoue ce que les Africains savent depuis la pénétration des Européens de l’Afrique.

Dans une interview interview au Parisien, publiée le mercredi 10 décembre 2008, Bernard Kouchner fait la confession « je pense que j’ai eu tort de demander un secrétariat d’Etat aux droits de l’homme. C’est une erreur. Car il y a contradiction permanente entre les droits de l’homme et la politique étrangère d’un Etat, même en France ».

Cet aveu vaut son pesant d’or, fondamentalement pour deux raison. D’abord, parce que Bernard Kouchner n’a pas choisi n’importe quel jour de l’année pour dire cette vérité que les peuples opprimés connaissent depuis longtemps. Il a choisi le 10 décembre 2008, jour du 60ème anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme adoptée en 1948 par 48 Etats membres de l’ONU contre 8 abstentions. Faire cet aveu en cette journée très symbolique pour les associations de défense des droits de l’Homme qui dans les pays africains, n’ont pas encore compris qu’il y a droits de l’Homme et droits de l’Homme, est plus que marquant.

Ensuite, Bernard Kouchner n’est pas ignorant ou un simple d’esprit. Cofondateur de Médecins sans frontières et de Médecins du monde, ancien haut fonctionnaire de l'ONU, Kouchner est l’une des voix les plus affirmées à défendre le « droit d’ingérence » humanitaire, ce concept ambigu qui voudrait que certaines raisons morales justifient la violation de la souveraineté nationale d’un Etat. Bref, Kouchner est l’un des plus fervents défenseurs de la civilisation occidentale droitdelhommiste qui pourtant n’a accordé aucun droit à l’Homme qu’elle a rencontré sur son passage. Pour un homme qui a tant « aimé » les droits de l’homme au point de le montrer devant les caméras avec le port des sacs de riz au Nigeria lors de la guerre du Biafra suscitée et soutenue par la France pour faire main basse sur le pétrole, le revirement est extraordinaire. Mais, mieux vaut confesser tard ses mensonges que de les porter dans l’au-delà.

Ceux qui croient que les Occidentaux défendent les droits de l’homme et corollairement la démocratie dans le monde ont tout faux. D’ailleurs tout au long de l’histoire, les Occidentaux ont toujours utilisé la notion des droits de l’Homme quand cela les arrange et les méprisent quand il y a nécessité. C’est ainsi que dans beaucoup de pays africains et ailleurs, ils soutiennent des tyrans qui leur offrent gracieusement leur pays et renversent tous ceux qui tentent de s’opposer à leurs intérêts. Comme quoi, les droits de l’Homme sont à géométrie variable. Dans la réalité, il existe des droits de l’homme qui ne s’appliquent pas aux Africains et aux indigènes, car ces Peuples sont à cheval entre l’Homme (le Blanc) et le Singe. Et c’est justement parce qu’ils ne sont pas des Hommes qu’ils ont eu à supporter la plus grande déportation de l’humanité qu’ont été les razzias esclavagistes et les pires formes d’humiliations à travers la colonisation, l’apartheid et le néocolonialisme aujourd’hui. Certainement, c’est aussi au nom des droits de l’Homme que les descendants d’Esclavagistes, les fils de colons et les néocolonialistes s’arrogent le droit de définir ce qui a été ou non positif dans cette série de crimes en lieu et place des victimes.

Bernard Kouchner avoue aussi « on ne peut pas diriger la politique extérieure d’un pays uniquement en fonction des droits de l’homme. » Et d’assumer finalement « Diriger un pays éloigne évidemment d’un certain angélisme. » Quelle franchise !

Et pourtant dans sa politique africaine, la France ne cesse de se vanter de mettre les droits de l’Homme au centre des préoccupations. A chaque fois qu’elle est montrée du doigt dans le soutien total qu’elle apporte aux tyrans locaux, la France hausse le ton traite tous ces contradicteurs de menteurs, d’imbéciles, de mauvaise foi, de haineux et d’ingrats. C’est ainsi que par exemple sur le Togo, Michel Barnier a récusé toute implication française dans la succession sanglante de Faure Gnassingbe à son feu père, grand « ami de la France » et « ami personnel » de Chirac. Au Rwanda, la France nie toute implication dans le génocide alors que des organisations comme Survie, à travers une enquête citoyenne, ont démontré son rôle incontestable. La France adopte la même attitude lorsqu’une commission d’enquête Rwandaise décrit sa responsabilité. En Côte d’Ivoire en 2004, la France n’a jamais tiré sur la foule de manifestants aux mains nues. Au Tchad, la France n’a jamais maintenu Idriss Deby, malgré l’incessant secours porté à ce tyran qui ne réalise de progrès dans ce pays qu’en rajoutant Itno à son nom à l’instar de Bongo qui aussi trouve que ce dont les Gabonais ont besoin c’est de rajouter Ondimba à son nom. Promis juré, la France est le seul pays au monde à mettre les droits de l’Homme au centre de sa diplomatie ! Elle n’a pas assassiné Sylvanus Olympio au Togo. Thomas Sankara était mort naturellement. Félix Moumié assassiné et dont la tombe a été profanée et dont le corps a disparu en Guinée depuis 2004, la France et Messmer n’y sont pas impliqués. Les tripatouillages constitutionnels pour permettre aux pions africains de s’éterniser au pouvoir et de se faire remplacer par leurs progénitures sous la houlette de Constitutionnalistes et autres Juristes tels Charles Debbasch, Robert Bourgi, c’est la mise en œuvre des droits de l’Homme.

Aujourd’hui, Kouchner dit enfin la vérité et ne semble plus être dans cette posture d’une France toujours immaculée, angélique et de loin en avance sur les autres. Combien de fois n’a-t-on pas entendu des Français clamer être les meilleurs au monde dans tel ou tel domaine ? Enfin, peut-être faut-il le reconnaître. La France est le meilleur de tous les pays du monde en toute chose y compris dans le mensonge et la duplicité. Dire une chose et faire exactement son contraire ou faire une chose et s’attribuer exactement le contraire, telle est sa spécialité en Afrique.

Finalement Kouchner s’inscrit dans une parfaite cohérence car, n’a-t-il déjà pas eu à montrer que les droits de l’Homme sont incompatibles avec les affaires ? La compagnie pétrolière Total, accusé de toute part et notamment par Aung Sun Suu Kyi, Prix Nobel de la Paix 1991, de soutenir la junte militaire en Birmanie et de faire recours au travail forcé et à la séquestration, a fait recours à Kouchner pour tenter de se blanchir. Début 2003, l'un des avocats de Total, Jean Veil sollicite amicalement la Société BK Conseil, un cabinet de consultant international créé par Bernard Kouchner, aux fins de rédiger un rapport sur le rôle du groupe pétrolier dans ce pays. Après un séjour du 25 au 29 mars 2003, un document de dix neuf pages a été pondu par BK Conseil qui blanchit Total contre 25.000 € d'honoraires hors frais. Horrifiés, les opposants crient au scandale, et dénoncent la légèreté du travail pour n’avoir pas été interrogé par BK Conseil. Kouchner persiste : « Je suis sûr à 95 % que les gens de Total ne sont pas capables de faire ça, ce ne sont pas des esclavagistes. » Quelques mois plus tard, en novembre 2005, le travail du Grand défenseur des droits de l’Homme a été vidé de sa substance : Total décide d'indemniser les esclaves que « BK Conseil » affirmait n’avoir pas vu.


Merci, M. Kouchner de reconnaître en ce jour du 10 décembre 2008, qu’il y a contradiction permanente entre les droits de l’homme et la politique étrangère de la France. C’est ce que les Africains disent depuis environ cinq siècles. A partir de ce moment, la France doit tirer les conclusions qui s’imposent. Ceux qui en Afrique, ignorant les réalités du monde et refusant de lire correctement l’Histoire, croient naïvement ou par petits intérêts égoïstes liés aux miettes de financements qu’ils ne cessent de quémander des ONG et Fondations occidentales en faveur de leur business associatif, que les pays Occidentaux, parce qu’ils « blablatent » sur la morale et sur l’Homme, sont des défenseurs des libertés en Afrique, alors même qu’ils soutiennent les guignols de tyrans, sont à présent sensibilisés.

Sarkozy n’a-t-il pas lui-même précédé Kouchner en disant à Dakar en juillet 2007 que la France ne peut se substituer aux Africains -ce qu’aucun Africain lui demande d’ailleurs- dans leur revendication relative aux libertés et droits. Traduction : la France ne s’occupe pas des droits de l’Homme en Afrique. Ce n’est qu’une confirmation de ce que les peuples d’Afrique ne cessent de dire. Ce message Sarkoziste n’est pas tombé dans les oreilles de sourds. La jeunesse africaine l’a entendu et exige de la France qu’elle n’intervienne pas lorsque les peuples s’opposent aux guignols de dirigeants qui les oppriment.

lundi 8 décembre 2008

Pourquoi est-il si difficile d’avoir un leadership responsable au Togo.

08 décembre 2008
Rodrigue KPOGLI

Les premières années de la lutte du Togo pour la démocratie étaient conduites par quelques figures qui sont apparues comme des leaders pouvant rassembler. Progressivement, elles se sont décrédibilisées, soit par leur incapacité à organiser efficacement la riposte face aux multiples assauts meurtriers du système RPT, soit par leur empressement à jouir des privilèges d’un pouvoir qu’elles n’ont pas encore acquis. Ainsi, de l’inorganisation couplée à l’absence de stratégies, aux retournements de casaque en passant par des indécisions, des hésitations, des incohérences et des querelles interpersonnelles de bas étage, l’embryonnaire leadership togolais s’est considérablement ruiné.

Me Yaovi Agboyibo sachant que le Comité d’Action pour le Renouveau (CAR) n’a pas d’avenir sous sa présidence après qu’il ait servi de premier ministre à Faure Gnassingbe, a réalisé un formidable coup de communication en se faisant remplacer par Me Apevon Dodji. Dans un pays où les partis d’opposition sont souvent accusés à tort de ne pas appliquer l’alternance en leur sein, Me Agboyibo a réussi à convertir ce qui est un échec en une victoire éclatante.

M. Gnininvi, après la signature de l’Accord politique de Ouaga dit Global, fonce la tête baissée. Rien ne semble arrêter la CDPA dans sa logique de gain à tout vent, ignorant que sur « le chemin de la trahison, il n’y a que le fleuve de la honte à traverser ».

M. Olympio, courbant l’échine devant la pression d’une improbable Communauté Internationale, et mordant à l’appât de la primature promise et obtenant un assouplissement sur le verrou de résidence taillée à sa mesure dans les dispositions électorales, a fait apposer la signature de l’UFC au bas de l’Accord de Ouaga.

Quant à Edem Kodjo et Ayeva Zarifou et quelques autres de leur acabit, ils ont convaincu les Togolais sur leur vocation d’éternels prostitués politiques bien avant l’avènement de Faure Gnassingbe au pouvoir, à la place de son père.

Inutile de souligner le caractère éminemment violent consubstantiel au pouvoir RPT qui, à travers sa formidable industrie de l’impunité, crée la peur et l’intimidation. Le débat démocratique faisant l’objet d’une prohibition non-écrite sous ce régime tyrannique héréditaire, la constipation gagne les esprits qui auraient pu briller sous d’autres cieux.

A ces éléments, il faut ajouter que le peuple togolais est caractérisé par une triple contradiction :

1- Lorsqu’un leader est devant lui, le peuple togolais dit qu’il le dépasse.
2- Lorsqu’un leader est à ses côtés, le peuple togolais estime qu’il le pousse.
3- Lorsqu’un leader est derrière lui, le peuple togolais pense que celui-ci le talonne.

Ainsi, au Togo, veut-on un leadership idéal, constitué d’immaculés et de Saints. Cette exigence, cette volonté de ne pas laisser des vendeurs d’illusions berner les masses voire les utiliser pour des intérêts personnels, n’est pas une mauvaise chose en soi. Seulement, à partir de cette conception acquise sans doute par expérience, les Togolais sont parvenus à supporter difficilement tout individu désirant prendre le devant des choses.

Chacun pense donc être le plus apte et s’estimant être le Saint que tout le monde souhaite voir surgir. C’est certainement pour cette raison là que dès que Madame X sort la tête, on lui tape dessus. Dès que Monsieur Y pointe son nez, on le lui casse. Dès que le Citoyen Z ose, on le renvoie dans son nid en lui opposant toute sorte de principes qui parfois, ont du mal à tenir la route. Progressivement, des initiatives ont été incidemment découragées. Et la vacuité finissant par gagner nos rangs, y a établi aujourd’hui le printemps de la non-pensée. Après des années d’incubation sournoise, des acteurs de la casse sortent l’artillerie lourde pour mitrailler toute tentative de réflexion et de rappel aux fondamentaux qui nous ont échappés depuis un bon moment déjà.

Peut-être que l’inconscient collectif marqué par les 40 ans de traversée du désert sous la férule d’Eyadema Gnassingbe, se dit, plus jamais, il n’a besoin de guide ni de leader pour avancer. Personne ne veut suivre l’Autre, ne serait-ce que le temps de surmonter collectivement les obstacles qui jonchent le chemin.

Dans cette panne générale qui assèche la pensée et l’esprit d’initiative, la recherche de la solution individuelle devient la norme. Ce qui écrase l’idée que lorsqu’un problème se pose pour l’ensemble de la collectivité, il ne peut y avoir de solution que celle collective. Les issues individuelles ne peuvent qu’être un pis-aller dans cette situation. Dans le cas togolais, chacun crée son parti politique, chacun crée son association, chacun crée son organisation… Bref, chacun monte sa chapelle en attendant que l’orage vienne emporter toutes ces initiatives qui témoignent de notre incapacité à bâtir un outil collectif de lutte démocratique à la taille de l’enjeu qui est le nôtre.

Sur cette pente savonneuse, nous avons réussi l’exploit d’avoir 83 partis politiques au Togo. Dans ce Capharnaüm politico-affairiste sans cesse croissant, se fréquentent une certaine opposition constituée de 4 à 6 partis de tendance pseudo-socialistes, 8 à 10 partis d’obédience pseudo-libérale, 12 à 15 pseudos partis dits socio-démocrates et tous les autres sans idéologie ni gouvernail qui gravitent autour du pouvoir en attendant que le vent tourne dans l’autre sens pour opérer leur virage. Il en est de même pour des structures associatives. Ces doublons loin d’enrichir l’arène socio-politique togolaise, la grèvent énormément.

Bientôt vingt ans après le début des hostilités entre une tyrannie soutenue de l’extérieur et portée par une milice militaro-policière et le peuple togolais affamé et écrasé mais connaissant parfaitement l’enjeu, les questions que se pose le mouvement démocratique restent les mêmes : Boycotter ou non des élections perdues d’avance ? Bulletin unique ou multiple ? Candidature unique ou multiple ? Liste électorale refaite ou révisée ?

La persistance de ces questions, en réalité, rudimentaires, est la preuve que le mouvement démocratique a du chemin devant lui. C’est aussi la preuve qu’il n’a pas tiré les leçons des fautes et erreurs du passé. Car, si le diagnostic est fait sans complaisance et les enseignements retenus, ces questions ne se poseraient plus. La seule chose qui vaille la peine dans ce cas, serait de travailler vigoureusement pour la mise sur pied d’une véritable stratégie de conquête du pouvoir avec la complicité du peuple togolais si éreinté par le système RPT.

Une autre raison pour laquelle, il est si difficile d’avoir un leadership responsable au Togo, se trouve dans le manque d’écoute entre les différents îlots d’intégrité qui résistent encore. Ce déficit se manifeste en ce que les idées des uns et des autres ne retiennent pratiquement aucune attention. Normalement, c’est à partir d’elles que des alliances de travail doivent se nouer. En somme, c’est le m’as-tu-vu permanent constituant à quelques exceptions, des reprises des idées précédemment mises en évidence qui fleurit. Ces reprises d’idées sans pour autant se rapprocher de leurs auteurs signifient clairement qu’une compétition malsaine de personnes se joue dans nos rangs.

A l’orée de la présidentielle de 2010, le mouvement démocratique a donc du pain sur la planche। Il doit surmonter en l’espace d’un an toutes les contradictions qui la minent depuis une vingtaine d’années. Ou, il réussit ce pari et alors 2010 sera une année de succès démocratique ou, il échoue dans la reconstruction et alors, le peuple togolais assistera pour une nième fois à une tragi-comédie électorale. Cela n’est pas une mince affaire quand on sait qu’actuellement les cartes sont complètement brouillées et qu’on ne sait avec exactitude l’identité des uns et des autres après l’APG et son corollaire de gouvernement dit d’union nationale. 

Mais à cœur vaillant, point d’œuvre impossible। Il faut partir de ce qui est en alliant les valeurs d’intégrité, de cohérence et de résistance à toute épreuve, aux idées alternatives qui, par un travail de synthèse, pourraient être fédérées pour toute fin utile. A défaut, seule une planification sur un moyen ou long terme avec un agenda bien précis tenu par des citoyens intègres, foncièrement patriotes et soutenus moralement, matériellement et intellectuellement, peut constituer la solution.