samedi 3 octobre 2020

Non à l’instrumentalisation des revendications des LGBT

Depuis les « Lumières », pas mal de questions sociales et économiques se sont posées à l’Europe, notamment celle portant sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Cette question n’est pas totalement résolue même si des évolutions importantes ont été accomplies dans de nombreux domaines, notamment celui des droits des LGBT.

Sur le continent africain, ce chantier de l’égalité est, parmi tant d’autres, l’un des chantiers les plus importants. L’Afrique dont le passé est meurtri par les razzias négrières et le colonialisme, la question existentielle reste prioritaire. Ce qui ne veut pas dire que ces mêmes questions d’Egalité à tous les niveaux ne se posent pas. Mais, elles ne se posent pas de la même manière qu’en Europe, une terre industrialisée, indépendante qui a résolu pas mal de ses problèmes par son propre génie mais aussi  en pillant les terres du Sud. C’est là même une des manifestations de son génie. 

 

Le passé colonial de l’Afrique et la mainmise du continent européen et de l’impérialisme américain sur les richesses africaines, y créant, par conséquent, une dépendance économique, politique, sociale et culturelle sont des obstacles à toutes les revendications égalitaires y compris celle des LGBT. Toutes ces revendications sont réprimées par des régimes mis en place et nourris par l’Occident. Ces dernières années, de nouveaux acteurs viennent s’ajouter au vieil impérialisme occidental pour renforcer cette confiscation démocratique violente et enfermer les populations africaines dans une situation d’immobilisme, mieux de régression sur beaucoup de plans.

C’est dans ce contexte que se pose donc la question des droits de la communauté LGBT qui, vu les évolutions, a toute sa place en Afrique. Mais, en aucun cas, on ne peut traiter cette question en dehors de la complexité culturelle de la société africaine. Fort heureusement, l’homosexualité et les droits des LGBT, aujourd’hui en Afrique, fait l’objet de discussion naturelle à l’intérieur des groupes organisés, des associations et des partis politiques ou autres. Ces discussions qui font leur chemin, commencent à avoir un écho sur le terrain de sorte que les mentalités évoluent . Elles n’ont pas besoin d’être bousculées de sorte que des étapes soient brûlées. Tout changement social qui se fait aux forceps génère des drames. L’Afrique n’en a plus besoin. 

 

Voilà pourquoi, nous, associations, partis, organisations...devons aider notre société à multiplier les espaces de discussion sur ce sujet de société, de manière sereine, ouverte, tolérante et démocratique, car celle-ci fait partie intégrante de la grande question de l’émancipation de la société africaine dans sa globalité. Nous ne cesserons de le clamer, c’est aux africains et à eux seuls qu’il revient de résoudre ce sujet.

 

Toutefois, dans un monde aussi globalisé où des interconnexions de tous genres ne cessent de se tisser, il est illusoire de penser que des influences extérieures ne vont pas s’exercer sur les africains comme c’est le cas dans bien d’autres domaines. Aussi bien des individus que des associations externes affichent et afficheront leur solidarité avec cette communauté. Mais cette solidarité doit s’exprimer dans le respect des spécificités de chaque société. Ce que l’Afrique rejette, vu son passé et sa dépendance actuelle, c’est toute ingérence, à coups de chantages et d’injonctions d’ordre colonial, dans ses affaires internes à tous les niveaux. 

 

On a vu dans beaucoup de pays africains y compris même en Europe que les revendications légitimes des LGBT sont instrumentalisées à des fins politiciennes par la bourgeoisie et ses divers agents. C’est le cas par exemple de David Cameron, en 2011, qui imposait la légalisation de l’homosexualité comme condition à « l’aide au développement ». Depuis lors, d’autres dirigeants occidentaux lui ont emboité le pas sur un ton encore plus infantilisant envers l’Afrique et ses peuples. Ce type d’injonctions n’est pas bénéfique pour la communauté LGBT en Afrique, car elle est perçue comme une pression extérieure sur une question sociale qui appelle, il faut le redire, la participation de la société elle-même et dans son ensemble pour une approche plus juste et égalitaire entre toutes ses composantes. 

 

L’émancipation des LGBT est une question intrinsèquement liée à la lutte des peuples africains pour leur émancipation; une lutte sans cesse pour la démocratie et l’indépendance de l’Afrique envers toutes les forces colonialo-impérialistes ...

 

En tant que syndicaliste, nous rejetons catégoriquement toutes les sortes d’instrumentalisation de la juste cause des LGBT. Nous ne sommes pas dupes : nous voyons très bien comment quelques personnes, refusant le débat démocratique dans des organisations censées être démocratiques, manipulent et instrumentalisent sans scrupules une cause comme celle-ci, et bien d’autres encore.

 

Si des organisations syndicales, politiques ou de la société civile, en Europe et en Occident d’une manière générale veulent aider d’autres sociétés, notamment les africains sur la cause des LGBT, elles devraient s’inscrire, aux côtés des panafricanistes authentiques, dans le combat d’émancipation qu’ils sont en train de mener à tous les niveaux pour la libération et la reconstruction de l'Afrique où les libertés et l’Egalité sont respectées, en mettant la pression sur leurs propres gouvernements qui n’arrêtent pas de soutenir et d’imposer des régimes dictatoriaux, défenseurs sanguinaires des intérêts de la bourgeoisie contre les peuples opprimés. C’est en faisant cela que ces organisations gagneraient de la crédibilité. Pas en procédant par instrumentalisation et par manipulation d'une cause juste dans le but de refuser l’examen de leurs propres faiblesses et contradictions lors d'un débat démocratique sain et revitalisant que certains de leurs dirigeants rejettent par un autoritarisme qui, juste avant d'être confronté à l'appel concret au débat, s'attribuait le qualificatif d'une démocratie.

 

Komla Kpogli, syndicaliste, Unia