Rodrigue Kpogli
26 août 2010
Ces grands inquisiteurs qui traquent les mauvais esprits
Ces derniers temps, sont apparus de grands inquisiteurs qui se sont donnés pour mission de traquer ceux qu'ils considèrent comme des mauvais esprits, des traites qui empêchent le changement de se réaliser au Togo. Ces grands inquisiteurs n'hésitent pas à lire dans le subconscient des individus. Lorsqu'ils n'y trouvent rien de consistant, ils inventent toute sorte d'histoires pour conclure que les sujets en question sont des traitres, ils sont du RPT, ils mangent au RPT. C'est, selon eux, le coup fatal qui doit être asséné à ces esprits malfaisants qui se cachent derrière le masque de "démocrates" affirmés. Ici, dès qu'ils sont accusés, ces mauvais esprits sont sommés à coups de fouet verbal d'avouer et d'apporter la preuve de leur fidélité. S'ils ne le font pas, c'est qu'ils sont coupables et à ce titre, ils sont condamnés à reposer dans l'étang du feu éternel.
Les grands inquisiteurs, dans leur traque, sont allés jusqu'à faire admettre récemment que nous sommes tentés par le pouvoir et que l'envie nous a pris de devenir ministre. Rien que ça! Nous voulons offrir le ridicule en précisant que notre objectif est infiniment plus modeste. Il s'agit simplement d'entamer une opération de salubrité politique consistant à faire voir à notre peuple que nous allons en enfer si nous continuons par prétendre lutter contre ce système de cette façon. Voilà notre motivation. Elle est plus basse que ce qu'on avait imaginé. Cette fois-ci, ces grands inquisiteurs s'arracheront leurs cravates puis déchireront leurs vêtements car doivent-ils se demander « il appelait au changement de braquet rien que pour ça? Merde alors!».
Des dizaines étaient celles et ceux qui nous avaient appelés à réagir et à publier un papier de mise au point. Mais, nous ne sommes pas de cette espèce d'individus à répéter ce que disent les gens pour contenter la foule. Nous ne réagissons pas sous le diktat de qui que ce soit. Ce n'est pas parce qu'une masse de commentateurs crie au scandale que nous allons nous mettre à courir dans tous les sens. Notre préoccupation n'est pas de ravir des tonnerres d'applaudissements de celles et ceux qui lisent nos écrits. Nous avons des problèmes; nous essayons de leur chercher des solutions. C'est là notre intérêt. Dans cette quête, nous pensons par nous-mêmes. Il ne s'agit pas pour nous d'un concours littéraire ni d'une simple joute oratoire dont l'issue serait de connaître le meilleur orateur. Notre problème est ailleurs. Il s'agit de sortir notre peuple définitivement d'un régime colonial pour bâtir une démocratie effective. Cette entreprise est suffisamment sérieuse pour ne pas être inscrite dans le registre de la démagogie et des incantations qui, une fois en face des réalités, se transforment en bégaiements et autres digressions.
Un discours démagogique peut mobiliser les foules mais il ne suffit pas pour passer à l'action. Et c'est là les limites qu'on connaît dans ce territoire. Une fois les foules mobilisées, ne sachant dans quelle direction aller, on fait le dindon qui étale ses plumes, tourne en rond, perd des plumes puis revient dans ses proportions. C'est la doctrine des prétentions.
Une haine qui empêche de travailler ensemble
Une fois qu'ils reviennent dans leur lit telle une rivière après sa crue, les mêmes qui s'étaient montrés plus que prétentieux viennent prôner l'unité. C'est louable de parler d'unité. Seulement, la duplicité réside dans ce que ceux qui viennent entonner le chorus de l'unité sont ceux-là même qui la pratiquent le moins. Dans leur souci du « m'as-tu-vu? » et du « que mon frère tombe afin que moi, je prenne sa place », beaucoup parmi nous adorent secouer sur le seuil d'autrui la poussière de leurs souliers. Ils en arrivent à salir les autres et à colporter sur eux des mensonges les plus infâmes. Ils aiment casser du sucre sur le dos de ceux qu'ils appellent encore il y a quelques minutes leurs amis ou camarades. Notre prétendue « lutte jusqu'à la victoire finale » se déroule en réalité dans un climat délétère fait de détestation inavouée, de petites calomnies entre « combattants » qui s'échangent des accolades en public pour mieux cacher les coups de couteaux qu'ils s'échangent à l'ombre. Il y a trop de haine entre nous, trop d'inimitié, trop de cynisme, trop de querelles de bas étage, trop de coups tordus, trop d'hypocrisie, trop d'alliances de circonstance juste pour torpiller l'autre ou les autres. Le camp des soi-disant combattants est miné de l'intérieur. Des sujets mineurs sont très souvent dramatisés et prennent des dimensions inédites. D'insignifiantes affaires de moeurs en viennent à séparer des gens qui se disent frères de combat de longue date. L'esprit de scission a élu domicile dans nos rangs. L'esprit de factions a triomphé. En résumé, on ne s'aime pas.
Cette ambiance négativement concurrentielle et ridiculement haineuse handicape notre marche commune. Elle étouffe également toute oeuvre et réflexion collectives. Au lieu d'être tournée vers l'extérieur, la débauche d'énergie ruine à l'intérieur. Tant que ces actes et attitudes ne cesseront pas, c'est peine perdue de vouloir créer les conditions objectives pour une démocratie au Togo. Car, se sont les hommes qui portent les idées et qui les font triompher. S'ils ne s'aiment pas, s'ils ne se supportent pas, s'ils se détestent en catimini autant oublier tout le reste.
L'enfermement dans une position figée et victimaire
Ce qui se passe est non seulement terrible pour nous mais il l'est aussi pour les générations à venir. Nous avons réussi tout seuls à nous enfermer dans une posture victimaire, pleurnicharde et sans issue. Cette posture nous pousse à ne voir la solution au mal togolais que par le viseur des armes à feu. « Aux armes! Aux armes! Seules les armes nous sauveront!» crie-t-on. Une fois ce postulat posé, on l'élève en doctrine inattaquable. Cette posture est sans issue tout simplement parce qu'elle nous enferme dans l'étau des armes à feu imaginaires et d'une rébellion armée mythique. Le fait - et nous sommes bien obligés de le dire - est que jusqu'ici nous sommes les mains vides dans un contexte géopolitique que visiblement nous ne comprenons pas du tout. Nous n'avons même pas un couteau suisse. Même pas une fronde. Et pourtant, on entretient l'illusion que les armes nous seraient fournies un jour jusqu'ici hypothétique, par une main quasi divine.
Lorsque vous posez la question de savoir d'où viendraient les armes, on vous répond en grattant le crâne « Euh, euh, euh, on les aura. Vous allez voir! Un jour on les trouvera. N'y a-t-il pas au Libéria, au Sierra Léone, en Côte d'Ivoire, au Nigeria des armes qui circulent? Eh bien on va en acheter de ces pays-là! » Et lorsque vous poursuivez la curiosité pour savoir d'où viendra l'argent pour cet achat, on vous dit « euh, euh, euh, euh, on va cotiser ou bien on s'adressera à des pays ou dirigeants amis ». « Ah bon, vous avez des alliés dans votre lutte? », « oui bien sûr!».. « Lesquels?»... « on va contacter x ou y et Al Qaida au Maghreb, les responsables de la rébellion Touareg...». Là, on est partagé entre le rire et les larmes. A la fin de la conversation, on vous apprend que pour des raisons de stratégie, le reste du plan ne doit pas être déroulé à la place publique. Celle-là est la meilleure. Tout le monde en abuse y compris les plus « grands opposants » qui n'accouchent jamais leurs savantes stratégies en public. Et attendant ce « jour du seigneur », toute autre réflexion doit être bannie. Toute autre voie énoncée doit être considérée comme une astuce satanique menant à la collaboration avec la tyrannie des Gnassingbe et Alliés. Mais en agissant comme on le fait, l'on ne se donne pas tous les moyens pour affronter le mal. On se coupe de pas mal d'idées et de chemins qui croisant d'autres, pourraient nous amener à la solution. Et c'est cette façon bouchée, figée de procéder qui prolonge la vie de cette dictature effroyable . En prétendant la combattre, on la vivifie et la revigore. Celles et ceux qui enferment notre peuple sur ce territoire dans ce schéma, sont des idiots utiles de ce régime. Plus ces idiots utiles prennent de la place, moins le système se préoccupe de son avenir qu'il sait garanti d'office. Plus, ils utilisent leur arme de prédilection, c'est-à-dire le cri dans le vide, l'aboiement et les menaces qui ne dépassent guère la rhétorique illusionniste, ces idiots utiles du RPT maintiennent le système colonial en vie.
Dans toute entreprise, lorsque vous passez 20 ans ou 30 ans à ramasser de piteux résultats, il faut questionner vos méthodes et vos moyens. Or, chez nous c'est interdit. Il faut avancer au même rythme, mieux, il faut accélérer même si le ravin n'est pas très éloigné de nos pieds. Le bilan d'étape est interdit. Il faut foncer droit dans le mur et une fois au pied du mur, on se fait passer pour les Hébreux et on convoque, pour nous fortifier dans la bêtise, le mythe biblique des murs de Jéricho qui s'étaient effondrés par la simple volonté divine après le défilé sept fois autour de la cité pendant sept jours au son des trompettes. Cette naïveté est suicidaire. Au lieu d'être incessamment imaginatif et plus inventif, puisqu'étant seuls, on se met à imaginer des alliances. On se met à inventer des extraterrestres, des deus ex-machina qui viendraient livrer un jour le combat final pour nous et ravir le pouvoir des mains de ses détenteurs pour nous le remettre tranquillement. Et ce sera la fin de nos souffrances, la fin de l'histoire. Qu'elle est belle cette fin! Toutefois, elle n'est que trop belle pour être vraie. Ce rêve collectif c'est du pain béni offert sans frais aux apôtres du système.
Il faut donc redonner la confiance au peuple certes, mais cela ne peut être réalisé que si on l'éloigne des sentiers du Dieu représenté par cet homme blanc, à la barbe blanche et en tunique blanche dessiné dans « Réveillez-vous! » des témoins de Jéhovah. Cette confiance ne peut venir que d'un travail de formation citoyenne, militante et politique pur jus. Et si les religieux devraient s'en mêler, ils ne devraient le faire que si et seulement si la politique l'emporte clairement sur une simple expression de la foi semée en Afrique par le coran et la bible avec l'appui de l'épée et du fusil. Mais si la foi l'emporte, comme c'est le cas actuellement, cela signifie que nous ne sommes pas sortis de l'auberge. On est encore sous les ailes d'un père qui est aux cieux et qui ne nous aura pas délivré du mal pas plus qu'il ne nous aura fourni le pain quotidien vu le creux dans nos estomacs dans ce pays. Toute stratégie de regain de confiance populaire doit sortir notre peuple de toute tutelle. C'est d'une prise en main collective dont il est question. Penser par soi-même, s'organiser par soi-même, tracer les axes du combat par soi-même et avancer par soi-même avec une intelligence redoutable qui aide à anticiper les erreurs, les fautes et les difficultés pour les corriger à temps. Voilà ce dont il est question.
Si Eyadema Gnassingbè nous a offert en héritage son fils sur le testament rédigé et validé par la France, c'est qu'il avait étudié méthodiquement la psychologie de notre peuple. La France et Eyadema Gnassingbè savaient la réaction du peuple africain au Togo. Ils l'avaient donc anticipée et défini la méthode pour la bloquer. Ils savaient que les émotions et les frustrations s'exprimeront mais qu'en revanche, rien d'organisé ne sera fait. Et comme attendu, nous avons répondu à leurs attentes. Nous n'imaginons plus d'autres alternatives. Nous mettons les sabots à nous-mêmes et il ne reste au système qu'à avancer tranquillement. C'est ce à quoi nous assistons aujourd'hui.
La dilapidation imbécile des énergies
La politique, c'est comme les mathématiques. Si vous offrez un ami d'hier à vos adversaires, ils viennent de gagner un pion de plus et vous, vous en perdez un. Dans le jeu des rapports de force, la conséquence de cette générosité imbécile c'est qu'un camp tient l'avantage. Pour cela la dilapidation des énergies à laquelle on assiste à l'heure actuelle est un immense service rendu au système qui récupère des billes que nous perdons bêtement. Dans une situation comme la nôtre, si vous ne pouvez pas gardez vos amis parce que vous estimez qu'ils vous ont trahis, au lieu d'en faire des ennemis tout emballés et expédiés dans l'autre camp, il faut les neutraliser. Et là aussi, il existe plusieurs méthodes, seulement il faut y réfléchir.
La question à l'origine, nous semble-t-il, de la scission est que certains veulent aller au gouvernement alors que d'autres veulent rester en dehors. Pour nombre de Togolais cette question est insoluble et donc, elle ne peut trouver de réponse que si on procède à une scission. Il faut qu'il y ait rupture et que chacun lave publiquement le linge sale partagé en intimité hier. Il faut qu'on se diabolise mutuellement. Peu importe ce que cela coûte en dommages. Pour nombre de togolais ce qui est en jeu c'est le titre de l'opposant absolu, du « vrai » opposant, celui-là qui sait faire dans les incantations et le discours démagogique de la stratégie secrète. Et comme n'importe quel titre, il faut le disputer. Il vaut mieux que rien. Même s'il est sans trophée. Or, pour empêcher une guerre supplémentaire – puisqu'on n'en a gagné aucune jusqu'à présent– dans le rang des "démocrates", une autre solution était possible. Mais pour ce faire, il fallait parler stratégie.
Penser en des termes de stratégies les plus efficaces possibles
En termes de stratégie, on peut laisser ceux-là aller au gouvernement et les utiliser en notre faveur. On peut non seulement s'en servir pour conquérir quelques espaces mais aussi comme pions au lieu de les offrir gracieusement au RPT. Au contraire, on les voue aux gémonies afin qu'ils aillent rejoindre le pouvoir sous prétexte que là est leur destination puisqu'on vient de découvrir qu'ils sont des agents doubles de longue date. Ce qui du coup renforce le système contre nous. Devons-nous simplement rappeler aux idiots utiles du système que dans les guerres les plus sanglantes, chaque camp infiltre l'autre pour avoir des informations sur le déplacement de ses troupes, ses stratégies de guerre, son matériel, ses effectifs et toute chose pouvant aider à développer une contre-offensive efficace. La France rompue aux guerres coloniales qui en livre d'ailleurs une au peuple africain au Togo au travers du RPT, sait tout ceci. Ainsi infiltre-t-elle toutes les strates de la société pour s'offrir une base de données extraordinaire sur chaque groupement, amicale, association, syndicat et parti politique. C'est à ce prix qu'elle sait qui fait quoi, quand, avec qui et avec quoi. A ce coup là, pas besoin de traitres parmi les « combattants » pour filer des informations au camp adverse qui sait ce qu'il fait, ce qu'il veut et s'est tout simplement donné la stratégie qu'il faut pour gagner. Pendant ce temps, les inventeurs de la stratégie qu'on n'accouche pas en public dorment et attendent un combat dont ils ignorent tout. Ils n'ont aucune idée ni des forces en présence, ni du timing des hostilités, ni sur leurs propres forces et faiblesses.
Pour eux, la seule stratégie -si on peut l'appeler ainsi- viable et victorieuse consiste à garder toute distance de l'adversaire, à se vanter plus blanc que neige, à dire « Eh oooh! vous nous voyez, nous avons toujours dit que seul le fusil est la solution. Donc nous sommes les vrais opposants. Les autres sont des faux, ils mangent avec le RPT. Ce sont des traitres. » En somme, tant qu'il n'y aura pas d'armes à feu, vive le RPT. Et à cette allure, le RPT restera pour longtemps encore au pouvoir puisque les armes ne tomberont pas du ciel.
Ce qui peut davantage réconforter le RPT, c'est qu'il sait que l'évocation des armes comme incontournable solution est un vieux rêve sans cesse renouvelé. Des générations entières y avaient pensé mais n'avaient pu le réaliser faute d'un vrai travail d'organisation et de discipline. Toute chose qui n'a pas été corrigée à ce jour. Au final, si le système au Togo peut avoir de façon définitive une opposition toute catégorie confondue qui lui oppose rien que le discours de la révolution armée mythique ou de la prière, eh bien, il pourra même la promouvoir.
Pendant que le chaos se préparait, nous nous regardions le nombril
Les raisons qui ont conduit au chaos organisé dans les rangs de l'UFC étaient visibles et nous en avions parlé à l'époque. Mais personne n'a daigné écouter. On n'avait pas fini de se regarder le nombril pour lever la tête et prêter oreille attentive à ce qui s'annonçait. Le fait est qu'un certain nombre de togolais ont contribué activement à ce mélodrame. Ils avaient promu M. Fabre à la place de M. Olympio en suivant les autorités françaises qui leur avaient promis leur soutien en cas de victoire de leur joker. Dans ce scenario qui va conduire à la guillotine collective, deux capitales ont joué un rôle de premier ordre. Accra et Paris. Pendant qu'on coupait les herbes sous les pieds de M. Olympio à Paris en créant le FRAC nargué par la France à la fin du film, à Accra, Faure Gnassingbè lui-même s'était chargé de convaincre via les autorités ghanéennes, Olympio à faire autre chose. Tout ceci visait à confectionner un gilet pare-balle à Faure Gnassingbè. Cette opération superbement montée connaît une réussite foudroyante et implique deux considérations.
D'abord, aujourd'hui, pour pouvoir atteindre Faure Gnassingbè, la cible initiale, il faudrait qu'un camp vainque l'autre avant tout. Entre les deux branches de l'UFC, l'une doit terrasser l'autre d'abord. Faure Gnassingbè est hors de portée et il peut souffler - en tout cas pour un moment- car le centre du combat est déplacé. Le bout du canon n'est plus tourné vers lui. Grâce au coup de l'intercalaire, on a glissé entre Faure Gnassingbè et le FRAC, un écran que ce dernier pouvait éviter d'affronter s'il avait été un peu plus industrieux.
Ensuite, les conséquences du succès de cette opération ne vont se faire sentir véritablement que lors de futurs vols électoraux du RPT. Pour expliquer ses « prochaines victoires », Faure Gnassingbe dira ou fera dire qu'il a réussi là où son feu père a échoué. Lui, il a réussi à casser l'opposition autrement que son père qui était même incapable de le faire à coup de fusil et de marteau. En conséquence de cette prouesse, le peuple lui témoigne sa reconnaissance et le gratifie de 65 à 70 sièges à l'assemblée nationale en 2012 et des années supplémentaires à la présidence après 2015.
Mais, il faut aller beaucoup plus loin dans l'analyse. Outre le système qui ne souhaite plus une UFC forte dans le pays, certaines personnalités du FRAC n'en voulaient pas non plus. Ces personnalités n'auraient pas trop pleuré de voir les anciens partis d'opposition s'offrir en ridicule. C'est comme au temps où la candidature de Yamgname fut rejetée. Beaucoup l'ont déploré en public mais n'en sont pas moins ravis en coulisses. Ces gens qui savent qu'une UFC trop forte dans le pays écrase leur avenir politique eu égard à leur passé mitigé, ont intérêt à pousser à la bagarre interne à l'UFC. C'est cela la politique: le calcul permanent. En misant sur l'avenir, pousser la tendance UFC au sein du FRAC à affronter violemment le courant hors FRAC remet le compteur à zéro. Le terrain redevient vide et eux pourront s'offrir le beau rôle de nouveaux messies pour les années à venir. A ce niveau le courant UFC au FRAC aurait dû savoir qu'il perdait plus qu'il gagnait sur le moyen et long termes. L'unique leçon qu'on peut tirer de cette tragédie est que lorsqu'on n'est pas autonome intellectuellement, on est influençable. Et plus on est influençable, plus on est susceptible de prendre des décisions qui vous font haïr vos amis et aimer vos ennemis. Peut-être devrions-nous passer par cet épisode pour enfin commencer une véritable théorisation de la lutte.
Si on avait accompli ce travail de théorisation, on aurait pu savoir gérer au mieux les opinions diverses au sein du mouvement lors de la prise d'une importante décision. De même, on aurait pu savoir l'attitude à adopter lorsqu'un membre est arrêté ou savoir à quel moment opéré un changement de méthodes. Car, il n'est pas un crime de changer de méthodes. Seuls l'objectif et la cible ne varient guère. Les méthodes, elles, pour arriver à atteindre l'objectif peuvent subir des modifications et des adaptations en fonction du temps, de la disponibilité des ressources et du développement par le camp adverse de nouvelles ou plus redoutables tactiques.
S'arrêter un moment pour évaluer les possibilités
Nous ne pensons pas que l'on puisse s'engager dans l'action politique sans s'arrêter à un moment pour analyser les possibilités de succès ou d'échec. Trop souvent beaucoup se jettent dans la politique de façon irréfléchie et émotionnelle, alors que la politique en particulier dans une situation coloniale est une affaire de sang-froid, de calculs froids et non de coeur. Il s'agit d'éliminer le colonialisme par tous les moyens, nous disons bien par tous les moyens. Il faut donc que nous formions suffisamment bien les nôtres de sorte qu'ils aient une meilleure compréhension de ce qu'ils sont appelés à faire et comment le faire.