mercredi 17 juillet 2019

Voici l'intégralité de l'interview avec le journal L'Alternative du 5 juillet 2019

Le 28dialogue entre la Coalition des 14 partis de l’opposition et le RPT/UNIR, sous l’égide de la CEDEAO, l’éclatement de cette coalition et l’échec de la lutte, les élections législatives controversées du 20 décembre 2018, les élections municipales du 30 juin 2019, la candidature de Faure Gnassingbé́ en 2020, etc. sont les principaux sujets abordés sans tabou dans cette interview avec le Secrétaire Général du Mouvement pour la libération totale et la reconstruction de l’Afrique (MOLTRA), Komla Kpogli. Lisez plutôt ! 

M. Komla  Kpogli, vous êtes le Secrétaire Généraldu Mouvement pour la Libération Totale et la Reconstruction de l’Afrique (MOLTRA) , dites-nous comment se porte votre organisation et quelles sont les actions menées dans la dernière période à l’extérieur comme au Togo ?
Dans la situation terrible qui est celle de l’Afrique et de ses populations aussi bien en interne qu’à l’extérieur,  le Mouvement pour la Libération Totale et la Reconstruction de l’Afrique (MOLTRA) a les yeux rouges. Les ambitions de notre mouvement sont immenses et son sens du devoir pour la libération et la reconstruction de notre continent sur le roc de ses valeurs propres est toujours plus aigu au fur à mesure que le temps avance. 
Cette situation nous oblige à continuer la marche en avant. Au Togo comme ailleurs, nous consultons, élaborons, formons et essayons d’élever la conscience historique et politique des africains afin de les organiser dans l’optique de l’action libératrice à venir.

Vous êtes un acteur majeur de la diaspora. Comment avez-vous suivi et analysé la situation politique togolaise depuis le mois d’août 2017 ?
Notre analyse était claire bien longtemps avant août 2017. Nous avons toujours considéré que l’opposition institutionnelle au Togo, comme partout ailleurs en Afrique, n’a pas les capacités requises pour  conduire le combat de libération dont le pays et le continent ont besoin pour entamer leur renaissance. Voilà pourquoi les animateurs de cette opposition n’ont que des mots comme « réformes », « élections transparentes », « dialogue », « médiation » à la bouche,  ignorant ou faisant semblant d’ignorer les racines profondes du mal africain qui dure depuis la perte de l’Égypte pharaonique il y a 3000 ans. L’homme noir est sorti de l’histoire et confiné dans le rôle de serviteur des autres peuples qui ne cessent de lui imposer des règles de fonctionnement élaborées sans lui. Depuis lors, l’homme noir est ainsi projeté et jeté sans cesse dans un monde qu’il ne maîtrise plus. Ce diagnostic de base échappe à l’élite coloniale fabriquée de toutes pièces par les colons et imposées comme pouvoir et son opposition en Afrique. Une telle situation ne peut jamais être résolue par des réformes ou par un dialogue, encore moins par des élections. 
Le régime togolais se conçoit comme une monarchie héréditaire de type colonial. A partir de cette définition qui saute aux yeux, penser pouvoir lui arracher des « élections transparentes après des réformes institutionnelles et constitutionnelles »relève du rêve paludique. C’est donc avec force que nous nous sommes opposés avec force à toutes ces idées qui ne sont manifestement pas adaptées à la nature du régime que nous avons en face de nous au Togo. Nous avions écrit des textes un peu partout, pris des contacts au sein de l’opposition institutionnelle, réuni des compatriotes en Europe pour tenter de convaincre les uns et les autres à prendre une autre direction : celle du renforcement des capacités insurrectionnelles du peuple en l’inscrivant dans les trois dimensions stratégiques, organisationnelles puis opérationnelles. Le tout adossé au parcours historique du peuple noir comme tableau de bord. C’était donc à un changement radical de perspective auquel nous appelions ; ceci pour éviter la nouvelle désillusion qui s’annonçait. Tous nos efforts pour être entendu ont été ignorés, court-circuités, ridiculisés. Voilà pourquoi dès septembre 2017, en tant que représentant des Togolais de Suisse et averti des lois de l’Histoire, nous avions écrit et dit publiquement qu’Août 2017 finira en eau de boudin. Tellement les ingrédients pour lui garantir le succès étaient absents.  La suite nous a malheureusement mais logiquement donné raison.

La classe politique de l’opposition s’est lancée dans un dialogue sous l’égide de la CEDEAO. Quel regard avez-vous porté sur ce dialogue ?
Nous avions écrit et dit à de multiples reprises que le dialogue n’est pas un outil adapté au régime que nous avons en face de nous au Togo. On n’a pas besoin d’avoir des dons de voyant pour le savoir. Il y avait eu avant ce dernier « dialogue » 27 autres précédents sous l’égide de l’Union Européenne, de la Francophonie et consorts. Les visages de ce bal de faux-culs qui a duré jusqu’à la mort de Gnassingbé 1erle 5 février 2005 sont Georg Reich, Gilles Désesquelles, Philippe Bardiaux, Bernard Stasi, Paul Von Stulpnagel, Idé Oumarou...Ces gens et leurs institutions ont abusé la naïveté et l’innocence d’un peuple qui a du mal à découvrir ses propres forces. Au moment où s’annonçait ce 28ème« dialogue », nous avions signé le 3 décembre 2017 un communiqué de presse publié par ailleurs dans vos colonnes pour rejeter « un simulacre de dialogue supplémentaire, véritable subterfuge d'un pouvoir aux abois car massivement contesté par le peuple dans son ensemble, y compris dans sa diaspora. Cet nième dialogue n'est qu'une ruse et une manœuvre du régime et de ses alliés locaux et internationaux pour briser l'élan populaire libérateur en cours au Togo et redonner de la marge de manœuvre à Faure Gnassingbé qui entend manifestement s'accrocher au pouvoir. »
Puis nous avions écrit le 8 décembre 2017 : « « Le dialogue » n'est pas le moyen approprié pour combattre une tyrannie. Le seul outil à convoquer face à ce type de régime, c'est les masses populaires qu'un leadership doit mobiliser, former et lancer dans un mouvement révolutionnaire avec une planification stratégique adaptable en fonction des difficultés présentes et futures. Notre peuple au Togo montre depuis des années et des années, et particulièrement depuis le 19 août dernier qu'il est prêt à lutter jusqu'au bout. C'est donc une erreur, voire une faute historique et stratégique grave que de vouloir le pousser à ce « dialogue ». Il faut donc dire que ce fameux dialogue n'est pas dans l'intérêt de notre peuple. Manifestement, il y a donc des visées politiques que des partis politiques aimeraient atteindre, à moindre frais, selon leur point de vue. Or, cette voie est celle qui va coûter le plus cher aux africains du territoire du Togo. Raison pour laquelle, il faut dire NON à ça et continuer la mobilisation et surtout l'organisation des masses populaires mobilisées. ». Nous n’avions pas été entendus.
L’histoire est cruelle avec les peuples qui ne s’assument pas et qui pensent pouvoir échapper à leurs propres devoirs en déléguant leur accomplissement aux tiers. Nous sommes dans le monde des humains. Il faudra qu’un jour les africains, les togolais, intègrent cette donnée première et commencent à fonctionner avec. Aucun peuple ne fait le bonheur d’un autre. Pas plus qu’il n’y ait de raccourci menant à la liberté. Chaque peuple doit aller chercher les outils de sa libération, de sa reconstruction et de sa grandeur dans son propre cerveau et les mettre en œuvre de ses propres muscles. Nos propos du 8 décembre 2017 doivent être rappelés ici avec force : « On ne dialogue pas avec une tyrannie qui est, par essence, la négation des droits fondamentaux d'un peuple. La tyrannie appelle donc la révolution, et non le dialogue ou la négociation. Par conséquent, c'est la désillusion qui attend celles et ceux qui espèrent affaiblir la nuisance de la tyrannie en allant négocier avec elle. ». Cette désillusion est là et notre analyse n’a varié d’un iota.

Finalement le dialogue s’est soldé par un échec cuisant et le pouvoir en a profité pour organiser à sa manière ses législatives. Selon vous, ce scénario était-il prévisible ? 
Évidemment qu’il était prévisible, puisque le 21 novembre 2017, nous écrivions : « le RPT et ses alliés locaux et internationaux sont en train encore de couler l'élan du peuple togolais dans le béton d'un dialogue "inter-togolais", véritable attrape-nigauds qui va renforcer le pouvoir et ruiner la dynamique populaire en cours. Tout leader visionnaire et imprégné de l'histoire, de sa gravité et de son sens, aurait dû comprendre que jamais on ne négocie avec une tyrannie, qui plus est héréditaire. Et que seule l'organisation, l'organisation et encore l'organisation des masses populaires mobilisées et orientées vers des points sensibles du pouvoir est la garantie de la destruction du pouvoir tyrannique. Celui qui veut négocier ses fers prend la lourde responsabilité de les porter encore longtemps et même de les transmettre à ses descendants.  Patience donc!!! Dans quelques semaines ou mois, nous verrons tous ce que dialoguer avec le RPT signifie. Comme nous n'apprenons que trop peu de l'histoire ».
Bien avant cela, le 4 novembre 2017, nous écrivions « De l’urgence d’une planification stratégique et d’une organisation repensée du soulèvement populaire en cours au Togo. »Dans ce texte saboté et moqué par plusieurs commentateurs sur internet, nous annoncions in extenso : « Quand on voit le niveau auquel le système RPT a mis la barre de la violence, on ne peut pas ne pas engager très très rapidement la réflexion stratégique et la planification stratégique appuyée de manière ferme par une organisation entièrement repensée de la contestation populaire, si on ne l'a pas fait jusqu'ici. Aucun observateur sérieux n’est surpris de la réaction et des manœuvres du système RPT. Aussi, serait-il une erreur stratégique majeure que de considérer le congrès du RPT tenu à Tsévié le week-end dernier et les décisions qu’il a annoncées comme quelque chose d'insignifiant voire de ridicule. Le RPT déroule son plan clairement et ceci dans une logique du fait accompli dans un cadre soi-disant légal qu'il entend opposer au mouvement populaire le moment venu. Ce n'est pas anodin. Il faut contrecarrer tout ceci très rapidement et nous avons les moyens adéquats pour ce faire. Il faut être capable d’identifier ces moyens et les mobiliser convenablement. »
Partant de ces faits annonciateurs d’une fin pathétique, nous avions pris contact directement avec des dirigeants de partis au sein de la C14 qui n’ont pas jugé utile de nous prêter une oreille attentive. 
L’Assemblée nationale RPT-UNIR a opéré les reformes ouvrant la voie à un règne de Faure Gnassingbé jusqu’en 2025. Quel regard portez-vous sur ce coup de force ?
Ce n’est pas un coup de force. C’est la logique du RPT : garder le pouvoir à tout prix. Pour cela, le RPT a son agenda et son plan d’action. Rien de tout ceci n’est secret. Les intentions du RPT sont claires comme l’eau de roche et les moyens pour les mettre en œuvre sont manifestes depuis le 13 janvier 1963 et encore plus manifestes depuis 1990. Tant pis si des togolais continuent à se laisser bassiner par certains de leurs « hommes politiques », « associatifs» et « religieux » sans foi ni loi avec le fait qu’il serait toujours possible d’amener le RPT à la raison par le dialogue, la supplication et des appels incessants à la morale à deux sous. 
Le régime RPT est endurci par et dans le mal. Il n’y aura qu’une issue. C’est une loi de l’Histoire que des régimes tyranniques finissent par succomber lorsque le peuple se met résolument debout sous la houlette de patriotes qui ne craignent pas de mourir. L’issue au Togo c’est la lutte de libération menée dans la discipline collective par un leadership patriote, éclairé par l’Histoire et aboutissant à l’installation d’une nouvelle Constituante pour doter le pays libéré d'une nouvelle constitution qui ne soit plus le copier-coller de la Constitution française, mais une Constitution qui traduit véritablement notre histoire, notre culture, nos valeurs, nos aspirations, une nouvelle organisation de l'Etat nouveau en tant que peuple africain.

Revenons à la C14, comment analysez-vous sa gestion de la crise notamment les marches, ensuite le dialogue et enfin la participation ou non aux élections législatives ?
Pour nous, cette coalition avait en elle-même et dès ses origines les graines de sa fin. Les compatriotes togolais se trompent lourdement de diagnostic en continuant à mettre l’accent sur l’union des partis politiques. Comme si réunir les forces contraires pouvait engendrer un résultat positif. L’addition des zéros à l’infini ne peut pas être égale à un. Par conséquent, l’idée maitresse qui devrait prévaloir au Togo, au regard du parcours qui est le nôtre, devrait être la notion d’idées stratégiques. C’est donc autour de ces idées qu’il faut chercher à unir les entités qui les ont en partage. Ce sont d’abord les idées qui fondent la théorisation de la lutte populaire et non les hommes et les appareils politiques. 
Nous avons au Togo des partis qui n’ont pas d’idées mais des plans de carrière médiocres. D’autres en ont mais de fausses auxquelles ils donnent un attribut de vérités immuables. D’autres encore ne sont constitués que d’illusionnistes verbeux passant des couloirs du régime la nuit aux allées de l’opposition institutionnelle le jour. En quoi mettre tout ce beau monde ensemble dans une coalition serait un gain pour le mouvement de libération dont le pays a besoin ?
Nous sommes navrés de le redire ici, la plupart de ces gens n’ont aucune profondeur d’analyse. Les règles qui dirigent la vie des peuples, particulièrement la vie des peuples en lutte leur échappent totalement. Le pire c’est qu’ils ne cherchent même pas à résorber ces lacunes graves. Beaucoup de ces gens sont dans la nuit et donc ils ne peuvent qu’entraîner, en compagnie du RPT qu’ils prétendent combattre, le peuple africain du Togo vers les abîmes. En lieu et place de renforcer les capacités insurrectionnelles et révolutionnaires des masses populaires avec une capacité de théorisation, de projection, d’anticipation et d’évaluation à chaque étape à l’aune de la stratégie globale retenue, ces opposants de métier les ont épuisées dans des marches de protestation non ciblées et obéissant aux injonctions du régime notamment en ce qui concerne les parcours. Quant à l’encadrement de ces marches de protestation, on a bien vu que, malgré les 30 ans de répression militaro-policière et milicienne du RPT, les dirigeants politiques s’attribuant le titre de « Leaders » n’ont pas fait gagner au mouvement populaire plus d’expérience et surtout plus de capacités à comprendre les méthodes de déploiement des forces de la répression, à les contenir puis à les neutraliser. Pourtant, ce ne sont pas des exemples historiques qui manquent en la matière. 

La C14 dans s’est ensuite disloquée, certains partis ont fait le choix de voler de leurs propres ailes. Pourquoi il est difficile à l’opposition togolaise de s’entendre sur l’essentiel ?
Tout simplement parce que cette C14 n’était qu’une illusion d’union. Sans idée directrice fortement ancrée et partagée entre les acteurs d’un groupe réunis par les circonstances, rien de durable n’est possible. Nous venons de vous indiquer que la C14 portait dès ses origines les germes de sa propre destruction. C’était une coalition sans origine commune et surtout sans destination commune. Déjà très tôt, tout observateur averti pouvait voir que cette fameuse coalition était minée par une guerre de couleurs de t-shirts partisans. Ces gens, malgré les derniers échecs, n’ont toujours pas la même définition de l’adversaire. Ils n’avaient pas et n’ont toujours pas la même conception du sens de l’Histoire et de ses règles. Certains ont été très proches du pouvoir et le sont restés tout en jouant publiquement aux opposants. Pour bon nombre de ces gens, la bataille c’est chasser Faure Gnassingbé du pouvoir colonial pour s’asseoir à sa place. Pour d’autres, c’est prendre une partie de ce pouvoir colonial et en jouir. Voilà pourquoi ces gens pouvaient, alors qu’ils devraient organiser et structurer, organiser et structurer encore et encore les masses populaires pour les rendre décisives, préférer en appeler à Emmanuel Macron et à ses laquais tels que Alpha Condé et Nana Akufor Addo ou à la CEDEAO pour raisonner leurs protégés Faure Gnassingbé et sa cour, ignorant les prescriptions de Thomas Sankara à savoir que « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère . »
 Quant aux moyens d’action pour arriver à leur fin, d’un extrême à l’autre, ces gens ne cessent de réciter : « Dialogue », « Reformes », « Elections », « Marches de protestation », « Médiation »...Toute chose complètement en déphasage avec le régime qu’on a en face de nous. Là encore, il y a ignorance des paroles de Nelson Mandela qui énonce que « c'est toujours l'oppresseur, non l'opprimé qui détermine la forme de la  lutte »Quant à ceux qui disent « Soulèvement populaire », ils n’en connaissent pas les règles, pas plus qu’ils disposent d’une planification stratégique et de la structuration pouvant y conduire. C’est donc la cacophonie qui ne peut connaître qu’une issue dispersée dès que les fameuses législatives du 20 décembre 2018 ont été proclamées et que certains ont fini par réaliser que les partisans du « Pas d’élection sans réformes » n’avaient pas les moyens de leurs discours et qu’en les suivant ils ne pouvaient que perdre toutes les miettes que leur procurait le copinage avec le RPT.

Cette classe politique selon vous peut-elle encore porter les espoirs de ce peuple en quête de changement ?
Clairement non. Mais, il ne sert à rien d’accabler davantage ces gens. Ils ont fait ce qu’ils pouvaient en fonction de leur manière de penser. L’histoire les a déjà confrontés à leur propre résultat. Il faut passer à autre chose à présent. Les armes de la victoire contre le système colonial et ses animateurs locaux et extérieurs résident au sein du peuple. Le peuple organisé et structuré de sorte à lui faire retrouver toute sa puissance perdue. Tout le travail à faire est là. Toutefois, ce n’est pas en récitant le catéchisme consistant à dire « place aux jeunes », « place aux jeunes » que l’on va faire mieux les choses. La jeunesse n’est pas une garantie contre l’inefficacité et contre la vacuité. Par conséquent, il est temps qu’émergent des patriotes de tous âges, de tous sexes, de toutes régions du pays, de l’intérieur comme à l’extérieur pour bâtir un véritable mouvement révolutionnaire visant à conduire un puissant mouvement de libération et de reconstruction du pays. Dire cela, c’est dire au peuple qu’il est le porteur de son propre espoir. Pleurer ne sert à rien car les larmes ne sont pas une arme. Se décourager et jeter toute la faute sur quelques personnes en qui on avait fondé de faux espoirs par esprit de fuite n’apportera rien. Continuer à se lamenter et à chercher les adjectifs les plus moqueurs au RPT pendant qu’il continue en toute indifférence son œuvre de démolition totale du pays ne changera rien non plus. 
Il faut sortir de cette impasse qui n'est rien d'autre que l'aboutissement logique d'une conception enfantine de la lutte de libération qui, au Togo, devrait être l'apanage d'un messie, d'un deus ex-machina. Il faut donc l'émergence d'un courant de pensée alternative qui se structure et organise les masses populaires qui sont l'unique arme dans une lutte de libération. Étant donné que le peuple est la seule et unique arme, il faut le préparer, lui donner les capacités d'un tsunami qui se prépare à se lever. Et pour cela, il faut que les masses populaires cessent de se voir comme des enfants perdus dans le désert et blottis sous un dattier attendant l'avènement d'un messie, car le peuple a tout. C'est lui qui est tout.

Parlons un peu de la diaspora, pourquoi vous êtes autant divisés à l’extérieur que les acteurs de l’opposition au pays ?
Ce n’est pas parce que l’esclave traîne ses fers plus loin qu’il cesse de l’être. Les togolais de l’extérieur gardent donc les tares que présentent les togolais de l’intérieur. Très souvent l’ignorance crasse qui génère la haine gratuite, l’hypocrisie et les querelles interpersonnelles de bas étage est la cause de cette division. Nous sommes un peuple qui isole, ostracise, méprise et écarte ses enfants les plus lucides. C’est là le legs des razzias négrières et de la colonisation qui perdure en Afrique. Les 55 ans de règne des Gnassingbé 1eret 2 ont restructuré eux aussi la mentalité des togolais. Il y a également plein d’agents du régime qui opèrent dans la « diaspora ». Ces commis sillonnent des capitales et villes en Europe et aux Amériques tuant dans l’œuf toute idée d’organisation, prêchant le faux pour savoir le vrai, manipulant les esprits en racontant des mensonges sur les togolaises et togolais animés par des idées alternatives à l’impasse actuelle de l’opposition institutionnelle. Internet et les réseaux sociaux sont le terrain de jeu favori de ces mercenaires payés à deux sous par le RPT et ses guichets. 
Par ailleurs, l’indifférence et l’amusement sont devenus des règles au sein des communautés togolaises à l’extérieur. Oubliant que ce n’est pas parce que l’esclave possède un titre de séjour dans une « société de liberté » qu’il est libre, beaucoup de togolaises et togolais de la « diaspora » se pensent européens, américains, canadiens et autres ne concevant finalement le pays natal que comme un lieu de vacances avec ses excès dont il faut plutôt rire. Bref, beaucoup de togolais de l’étranger ne sont pas sérieux. C’est fort de ce constat et de quelques autres observations que nous avions décidé de mettre sur pied la « Caravane de la révolution togolaise » en octobre 2017 avec pour thème, le rôle des togolais de l’extérieur dans le soulèvement populaire au Togo. L’idée centrale d’une telle démarche étant de structurer de manière durable et orientée vers le pays des togolaises et togolais dans tous les pays/villes/localités visités par cette caravane. Car la force décisive qui manque aux masses populaires sur le terrain réside non pas dans les ambassades, non pas à la CEDEAO, non pas à l’Elysée...mais au sein d’une « diaspora » togolaise puissamment et intelligemment organisée.

N’est-il pas temps, à voir l’état du pays, de mettre de côté vos querelles de personne ; d’égo, de chapelle pour vous mettre ensemble et agir sur les évènements au pays ?
Tant que l’éloignement géographique du pays n’est pas vécu comme un drame mais plutôt comme une réussite à avoir échappé à la misère, il sera difficile de rassembler du monde. Ici également les idées du patriotisme, de la réflexion stratégique, de la planification stratégique et du leadership s’imposent. La Caravane dont nous venons de parler participe de ce travail.

La CEDEAO s’est de nouveau fourvoyée dans la crise togolaise comme en 2005 ; quelle analyse faites-vous de la curieuse démarche de cette organisation régionale ?
Les africains du Togo feraient mieux de se remobiliser, de s'organiser et de prendre leurs responsabilités lucidement dans la discipline et le sérieux face à la tyrannie franco-Gnassingbé qui nous opprime depuis 54 ans au lieu de continuer le rêve enfantin ou paludique d'un libérateur venant de la CEDEAO. La CEDEAO n’est rien. Il n’y a qu’au Togo où l’impuissance collective et la fuite des responsabilités accordent de l’importance à un tel instrument. La CEDEAO ne s’est pas fourvoyée, elle est logique et n’a agi que conformément à sa nature de garçon de course local des pays décideurs de ce monde. Ce sont donc les togolais et surtout ceux qui les ont conduits dans les bras de cette organisation qui ne savent pas lire le monde dans sa réalité et qui, de ce fait, se sont fourvoyés. La solution, faut-il le répéter, se trouve au sein des masses populaires. Voilà pourquoi le MOLTRA insiste depuis des années, dans l’indifférence et dans la haine, sur leur organisation et leur structuration pour renforcer leurs capacités opérationnelles par le leadership qui veut les conduire à bon port. River les attentes de notre peuple sur la CEDEAO et autres carabistouilles du genre, c’est mal connaître les réalités d’un monde nivelé par l’Occident et ses différents organismes financiers, économiques, médiatiques, lobbyistes, militaires et « philanthropiques ». Les peuples dominés dans le contexte qui est le nôtre n’ont pas d’alliés. Il faut garder cela à l’esprit en toutes circonstances. 

Nous sommes à quelques mois de 2020, Faure Gnassingbé va se déclarer candidat, que doit faire aujourd’hui l’opposition ? Que doit faire le peuple togolais pour mettre fin à cette dynastie ?
Si le togolais ne réalise pas encore que ce gars est déjà candidat et vainqueur en 2020 car comptant sur notre désorganisation et notre incapacité collectives à faire face à la machine à fraude et à répression, c’est qu’il n’a tiré aucune leçon de son parcours misérable sous ce régime. Le RPT n’attend que les formalités du jour du vote sans électeurs et la proclamation des résultats préfabriqués par sa cour constitutionnelle pour confirmer Gnassingbé 2 dans son fauteuil en 2020, en 2027 et en 2034, puis passer le témoin éventuellement à l’un de ses demi petit-frères Mey Gnassingbé ou Bolouvi.
Le RPT a déjà fait des élections sans électeurs dans ce pays. Seule la force brute compte pour lui pour tenir les masses populaires désorganisées et apeurées en respect. Les derniers exemples sont les législatives du 20 décembre 2018 et les fameuses locales du 30 juin dernier. il n’y a aucune raison que le RPT change sa tactique car sa stratégie est claire: conserver le pouvoir. Point final.
Si nous ne réalisons pas l’extrême gravité de cette situation actuelle et future pour identifier ici et maintenant les idées forces et des gens lucides pour les implémenter avec intelligence, nous resterons là à nous contenter des discussions oiseuses et ridicules. Nous resterons à rire de tout et de rien, un rire gras qui traduit une insensibilité à la souffrance de plus en plus grandissante et surtout un manque d’imagination et de gravité. A l’instar des chiens sauvages, le RPT et ses animateurs et leurs soutiens internes et externes n’ont et n’auront pitié de qui que ce soit. La souffrance a de beaux jours devant lui au Togo. A moins qu’un ressaisissement collectif suivi d’une véritable lutte de libération populaire est enclenché très vite. La condition première de tout ceci c’est de cesser de haïr ou de mettre de côté les gens les plus lucides qui nous disent les choses telles qu’elles sont.

Que diriez-vous pour conclure cet entretien ?
Le mouvement populaire est manifestement en panne sèche aujourd’hui. Il n’est pas alimenté par des idées adaptées à la nature foncièrement criminelle du régime RPT soutenu par une pègre internationale et une mafia locale. Les animateurs officiels et institutionnels du mouvement refusent de chercher parmi les enfants les plus lucides du pays aussi bien en interne qu’à l’extérieur ces idées. Les conséquences de cette attitude font qu'en lieu et place des idées on a loué jusqu’ici des personnes. Surtout des personnes qui gueulent le plus et qui font le plus de bruits, sans aucun support d'analyses en profondeur ni en matériels nécessaires pour l'opérationnel. Ainsi, assommés, déboussolés par les errances et sans idées directrices depuis le coup de massue prévisible du 20 décembre 2018, des togolais se vautrent actuellement dans une querelle de chapelles entre partisans de "partis politiques" qui s'envoient des noms d'oiseaux. Les grands amours de la C14 laissent désormais un champ de bataille aux militants à qui l'illusion et l'amertume sont les gains d'un accouplement aux forceps entre partis aussi divers et dont le dénominateur commun était de parler un langage amphigourique ne pouvant que conduire au désastre. Le RPT en vient à penser qu’il serait invincible, oubliant que jusqu'à la dernière seconde de la dernière minute avant que le peuple la renverse et reprenne son pouvoir, la tyrannie se montre toujours arrogante et invincible.
Mais ce désordre et ce désespoir nous indiquent la voie: ne pas continuer à faire la même chose avec l'espoir d'avoir un résultat différent. Il n’y a pas de miracles au pays des humains. Seule l’action planifiée et menée de mains de maître dans la discipline donne aux humains les clés de la victoire contre la fatalité et la tyrannie.
Une génération de patriotes doit émerger pour prendre les commandes d’une insurrection populaire organisée. Le MOLTRA joue et jouera un rôle majeur dans cette phase nouvelle qui va être décisive pour notre peuple.

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