samedi 6 septembre 2008

Sous le pouvoir actuel, la réconciliation n’aura pas lieu au Togo.

L’Accord politique dit global a recommandé la lutte contre l’impunité pour parvenir à la réconciliation au Togo. Depuis quelques mois, le clan au pouvoir dans sa duplicité naturelle, ruse en agitant une Commission Vérité et Réconciliation aux yeux volontairement malvoyants de la soi-disant communauté internationale. Le peuple togolais, lui, assiste impuissant, et à la limite indifférent, à ce cynique spectacle.

Pour la Jeunesse Unie pour la Démocratie en Afrique (J.U.D.A), aucun processus de réconciliation n’aboutira au Togo sous la présidence actuelle, véritable annexe du ministère de la défense. Mais au-delà de cette situation, il existe d’autres raisons pour lesquelles on peut légitimement conclure que le pouvoir togolais est en train de faire diversion.

1- Le processus de réconciliation est présenté comme une affaire exclusivement togo-togolaise. Comme si des forces extérieures n’ont eu aucune responsabilité dans les drames successifs dont le peuple togolais a été victime depuis l’assassinat de Sylvanus Olympio ou depuis 1958 selon « l ’Accord politique Global ». Pourtant, cette conception de la réconciliation aurait été bénéfique pour le peuple togolais si au moins, le pouvoir en place avait été au service des intérêts togolais et disposé à promouvoir un véritable consensus national.

2- A la mort d’Eyadèma Gnassingbé, la France[1] avait dépêché une mission de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE) au Togo pour piller les archives et y soustraire tous les documents compromettant pour les régimes successifs de la France depuis 1963[2]. Une des étapes fondamentales de la réconciliation, c’est la découverte de la vérité sur les violations des droits des citoyens, leurs auteurs et leurs motivations. En somme, l’établissement de la vérité sur tout ce qui s’est passé. L’accès aux archives est une condition sine qua non dans la mise en exergue de cette vérité. En soustrayant donc ces archives, la France efface une partie non négligeable de cette vérité dont l’éclosion est indispensable pour une véritable réconciliation au Togo.

3- L’Allemagne a certainement enquêté et découvert les auteurs de l’incendie de l’Institut Goethe le 28 avril 2005. Mais, à ce jour, elle n’a pas officiellement demandé l’arrestation de ces criminels. Pourquoi ? Evidemment parce que ces derniers sont du côté du pouvoir et donc amis de la France. Ainsi, au nom de la règle « les amis de mon ami, sont mes amis », du partenariat franco-allemand depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et de l’importance du couple franco-allemand dans la construction européenne, l’Allemagne a dû fermer cette parenthèse. Si les pyromanes avaient été du côté de l’opposition, nulle doute que Berlin les aurait fait arrêter, juger et condamner.
Si l’Allemagne - qu’on dit soutenir le mouvement démocratique au Togo à l’opposé de la France - avait inquiété les auteurs de cet incendie, on aurait pu espérer que la lutte contre l’impunité, avait débuté. En ne le faisant pas, les autorités berlinoises jouent leurs intérêts tout comme la France, au détriment du peuple togolais.

4- En novembre 2004, lors d’une audience de la délégation de l'Union Européenne relative à l’arrestation d’un des animateurs du mouvement estudiantin, le responsable nous pose cette question: que pensez-vous de Faure Gnassingbé? Etonné, nous avions dit que si la question était de savoir si Faure Gnassingbé pouvait diriger le Togo après son papa, le problème ne se posait pas puisque nous sommes dans une république avec une Constitution et non en monarchie héréditaire[3]. Quelques mois plus tard, Gnassingbé-père mourut et son fils lui succéda. Cela signifie que même avant la mort d'Eyadéma Gnassingbé, son successeur était déjà tout désigné à l'insu de notre peuple. Le reste ne relèvera que des formalités d'usage.

5- Le processus de la réconciliation est « accompagné » par le HCDH au Togo (Haut Commissariat de l’ONU aux Droits de l’Homme). Son représentant, Musa Yarro Gassama, dit de son organisation qu’elle est au Togo pour accompagner le gouvernement dans la mise en oeuvre des recommandations formulées dans les différents rapports nationaux et internationaux, notamment celui sur les violences survenues lors de la présidentielle de 2005. Nous avions rencontré cette institution sur le cas d’un jeune Togolais gratuitement battu et blessé en 2007 par des gardes du corps de Kpatcha Gnassingbé. Au lieu de traiter le cas, les responsables du HCDH nous ont demandé de ne pas ébruiter l’affaire. Et lorsqu’avec l’accord de la victime que nous avions préalablement fait soigner, la J.U.D.A avait alerté l’opinion, les responsables du HCHD nous ont appelés au téléphone pour nous exprimer leur « déception » et leur « désaccord ».
Comment une telle institution peut-elle honnêtement travailler contre l’impunité et pour la réconciliation au Togo ? De plus, les relations quasi-intimes qu’entretiendraient certains responsables du HCDH avec des officiels togolais viennent créditer nos inquiétudes quant à son impartialité.

Il apparaît alors clair que les criminels au pouvoir au Togo, avec la bénédiction des puissances étrangères, ne peuvent conduire valablement le processus de réconciliation. Misant sur le temps, tout ce qui est fait actuellement est destiné à créer l’illusion populaire. La réconciliation n’aura pas lieu sous ce pouvoir qui, loin d’être une transition démocratique, est un rajeunissement de la tyrannie. C’est pourquoi, la réconciliation passe nécessairement par l’avènement d’un régime démocratique soucieux des intérêts du Togo, et par l’accès complet aux archives pour découvrir qui au Togo et à l’étranger a voulu que le peuple vive ces différents drames et pour quelles raisons. Cela suppose un travail acharné d’un mouvement démocratique réorganisé, restructuré, pourvu de moyens efficaces [4], et capable d’élaborer les stratégies les plus victorieuses à moyen ou long terme.

Rodrigue KPOGLI


[1] Il a été rapporté à la J.U.D.A et à d’autres organisations membres du CASCOST que les forces françaises ont été vues aux côtés des Forces armées Togolaises, patrouillant dans les rues de Lomé. Le Ministre de la coopération d’alors Michel Barnier avait farouchement nié cette information et avait traité ceux qui disaient cela de « menteurs » sur RFI.

[2] Des archives gênantes pour la France au Togo in « Canard Enchaîné » du 04 mai 2005.

[3] http://lajuda.blogspot.com/2008/04/27-avril-1958-27-avril-2008-50-ans-de.html

[4] Voir Communication de Rodrigue KPOGLI, Secrétaire Général de la J.U.D.A lors de la rencontre du MDTE à Paris le 29 Décembre 2007 sur http://lajuda.blogspot.com/2008/01/compte-rendu-de-la-recontre-de-paris.html

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