samedi 22 avril 2006

Citoyenneté au service de la Nation: cas François BOKO



Compte rendu de la conférence
Le 22 avril 2006 à 15 heures, à l’Ecole Professionnelle de Lomé, la Jeunesse Unie pour la Démocratie en Afrique, a organisé une conférence débat sur le thème : la citoyenneté au service de la Nation : cas Me François Akila Esso BOKO.

Cette conférence vise à analyser la portée juridique et politique de la démission de M. BOKO qui, le 22 avril 2005 alors ministre de l’intérieur, chargé de l’organisation de la présidentielle du 24 avril 2005, a rendu le tablier dans la surprise générale et tirer les enseignements qui en découlent pour formuler des alternatives à la crise togolaise.

Trois communications ont été inscrites à l’ordre du jour de la conférence : la portée juridique et politique de la démission de l’ex-ministre de l’intérieur, en charge de l’organisation du scrutin du 24 avril 2005. le défi de l’impunité au Togo les alternatives à la crise togolaise.

I- Le discours d’ouverture du Président

M. Benjamin NALIALI, président de la Jeunesse Unie pour la Démocratie en Afrique après avoir salué les invités, a déclaré que le Togo, ce beau pays, une portion de notre patrimoine commun l’Afrique, est un Etat à part entière dans notre sous région Ouest africaine car il a-t-il dit, son histoire est émaillée d’évènements malheureux et douloureux depuis 1963 fragilisant ainsi l’unité nationale du Togo et compromettant dangereusement son développement endogène. Le président de la J.U.D.A a affirmé que le Togo est devenu la société mère de l’impunité et un laboratoire d’expérimentation de violations des institutions républicaines.

Il a noté que la J.U.D.A n’ignore pas l’assistance bienveillante que la communauté internationale apporte à l’Afrique et au Togo particulièrement. Cependant, il a exprimé la profonde désolation de la jeunesse africaine de voir la France soutenir des régimes à caractère répressif et par endroit les rebellions indésirables en Afrique, allant jusqu’à imposer aux peuples africains des autorités notoirement illégitimes et ayant comme programme de gouvernement la satisfaction de leurs intérêts égoïstes et ceux de leurs mandants.

Parlant à la presse, M. NALIALI lui a adressée les encouragements et les félicitations de la J.U.D.A pour l’exaltante mission qu’elle accomplit dans des conditions extrêmement délicates, parfois périlleuses. Tout en exhortant les journalistes à rester debout jusqu’à l’enracinement de la démocratie en Afrique et au Togo, le président de la J.U.D.A recommande aux autorités togolaises de garantir effectivement la liberté de presse et d’outiller la presse afin qu’elle assume efficacement son rôle de quatrième pouvoir ; car il n’ y a pas de démocratie sans une presse libre.
Il a rendu hommage à la jeunesse togolaise à qui il a rappelé cependant que la lutte pour la liberté est une lutte de longue haleine et que personne ne viendra libérer le Togo à sa place. Pour cette raison, la J.U.D.A l’exhorte vivement à l’unité et à la solidarité agissante pour accomplir sa mission, celle d’assurer aux générations futures des lendemains meilleurs.

Revenant au thème de la conférence, le président de la J.U.D.A a indiqué qu’en démissionnant le 22 avril 2005, M. BOKO a accompli un acte courageux dont la portée juridique et politique est inestimable, car M. BOKO a limogé ses intérêts égoïstes au profit de ceux du peuple et que cet acte doit inspirer ses anciens collègues.

Le président de la J.U.D.A a émis le souhait qu’au terme de cette conférence, un nouvel esprit citoyen germinera au sein de la jeunesse togolaise, prête à promouvoir les valeurs démocratiques et doter le Togo de véritables organes étatiques légitimes et représentatifs capables d’y impulser un développement socio-économique durable.

II- Les communications

La conférence s’était déroulée autour de trois communications : la portée juridique et politique de la démission de l’ex-ministre de l’intérieur, en charge de l’organisation du scrutin du 24 avril 2005, le défi de l’impunité au Togo et les alternatives à la crise togolaise.

1- portée juridique et politique de la démission de l’ex-ministre de l’intérieur, en charge de l’organisation du scrutin du 24 avril 2005

Cette communication a été présentée par Me ADIGBO Toussaint, avocat à la cour de Lomé.

Le communicateur a d’abord replacé la démission de M. BOKO dans son contexte en rappelant la prise du pouvoir le 05 février 2005 par Faure GNASSINGBE grâce à l’appui de l’armée, les modifications constitutionnelles qui en ont suivi et la prestation de serment de Faure GNASSINGBE devant la cour constitutionnelle qui curieusement l’avait acceptée et les pressions du peuple togolais et de la communauté internationale qui avaient abouti au recul de Faure GNASSINGBE.

El Hadj Abass BONFOH a été trouvé pour exercer les fonctions de Président de l’Assemblée Nationale et par conséquent assumer les fonctions du président de la République par intérim qui, convoqua dans la précipitation le corps électoral pour le 24 avril 2005 en vue de l’élection du président de la République, à laquelle Faure GNASSINGBE s’est déclaré candidat sous la bannière du R.P.T. Le but visé, selon le communicateur était manifestement de faire élire le candidat Faure GNASSINGBE à travers une parodie d’élection.

Malgré les violences qui ont émaillé le processus et les interpellations de la société civile et des partis politiques d’opposition, le pouvoir intérimaire n’a pas eu le courage de prendre ses responsabilités. Il a maintenu la date du scrutin. Le Ministre de l’Intérieur, qui était plus au parfum des réalités en mesurant l’ampleur du danger imminent que constituait l’organisation de l’élection du 24 avril 2005, a, estimé que « la poursuite d’un tel processus électoral est suicidaire pour notre pays ». En bon citoyen et homme valeureux, soucieux de la prospérité et du développement politique de son pays, il a dû rendre son tablier le 22 avril 2005 tout en exhortant le Président par intérim à aider le peuple togolais à « faire preuve d’un sursaut national et renoncer à cette aventure électorale ».

Abordant la portée de l’acte de M. BOKO, Me ADIGBO a affirmé que cette portée ne peut être établie qu’en tenant compte du rôle, des responsabilités et des attributions du Ministère de l’Intérieur en matière électorale.

Il a cité ces attributions et rôles qui sont déterminés par le Code électoral résultant de la loi n°2000/007 du 05 avril 2000 modifiée par la loi n°2002-001 du 12 mars 2002 et la loi 2003-01 du 07 février 2003, notamment les articles 3, 4, 39 et 40 du Code électoral.

De toute évidence, selon Me ADIGBO, il ressort de ces textes que le Ministère de l’Intérieur ou l’Administration électorale est le premier responsable de l’organisation des élections. Donc, la démission de M. BOKO, ministre de l’intérieur, responsable de l’administration électorale au motif que « les conditions politiques d’une élection qui réconcilie le Togo avec lui-même sont loin d’être remplies », pose indubitablement le problème de la transparence du scrutin du 24 avril 2005 et partant celui de la légitimité du prétendu vainqueur.

M. ADIGBO a conclu sa communication en regrettant le fait que le Togo ait certainement raté une occasion « de poser de nouvelles règles saines permettant de bâtir l’Etat de droit et de consolider la démocratie. ». Cependant, il n’est pas trop tard pour bien faire, il a émis le souhait que le dialogue national qui venait à peine de commencer soit un cadre harmonieux susceptible de donner espoir au peuple togolais afin que « ce beau pays, rentre dans l’ère de la modernité en retrouvant le chemin de la prospérité et du progrès », comme l’a si bien souhaité l’ex-ministre démissionnaire.

2- Le défi de l’impunité au Togo

Ce thème a été développé par M. Guy Adem SIEKRO, président d’Amnesty International au Togo.

Le communicateur a défini l’impunité comme une situation dans laquelle des auteurs de violations des droits humains et du droit international humanitaire ne sont ni traduits en justice ni punis, parce que le système de gouvernement d’un pays ou les Etats membres d’une organisation intergouvernementale en ont décidé ainsi. C’est le fait d’être assuré de ne pas être inquiété pour des délits et crimes qu’on pourra commettre, ce qui, évidemment pousse à les commettre.

Il a ensuite avancé les raisons pour lesquelles l’impunité doit être combattue, les causes de l’impunité, puis touché les cas spécifiques des commissions vérité et réconciliation et parlé des solutions à l’impunité.

Revenant sur l’impunité au Togo, M. SIEKRO a estimé qu’il est avéré que pendant la période d’avant, pendant et après l’élection présidentielle d’avril 2005, des actes de vandalisme et des exactions ont été commis, occasionnant des violations graves des droits humains. Il a fait référence au rapport de la Commission nationale spéciale d’enquête indépendante qui a été créée par le chef de l’Etat et présidée par Me Joseph Kokou KOFFIGOH qui dénombre plus de 150 morts et plusieurs centaines de blessés, sans compter les dégâts matériels, et ceci sur presque toute l’étendue du territoire. Ces actes ont été commis délibérément par des personnes qui avaient manifestement l’intention de donner la mort, de faire du mal. Et pour cela, elles doivent être traduites devant une justice impartiale et équitable, avec toutes les garanties de respect des normes internationales relatives aux droits des accusés ou prévenus. Mais s’étonne le communicateur, depuis la publication du rapport de la commission KOFFIGOH, rien ne se fait dans le sens de la justice, c’est-à-dire de la poursuite judiciaire des personnes soupçonnées d’être les auteurs des actes incriminés.

M. SIEKRO citant les missions de la Commission Nationale Spéciale d’Enquête Indépendante (CNSEI) fixées par le décret N° 2005-050/PR du 25 mai 2005, a invité le gouvernement togolais à engager donc des poursuites contre les auteurs et les commanditaires de ces actes de violences, parce qu’il s’y est engagé non seulement par le décret du chef de l’Etat, mais surtout parce que l’Etat togolais est partie à plusieurs conventions et autres traités internationaux en la matière.

En tout état de cause, a précisé M. SIEKRO, il faut prendre acte des déclarations du chef de l’Etat sur Radio Vatican (le 15 avril 2006) et aussi considérer (positivement peut-être) la déclaration du Premier ministre à l’ouverture des travaux du dialogue politique national, ce 21 avril 2006, qui dit que la question de l’impunité sera aussi à l’ordre du jour du dialogue. Il faut gager que ces déclarations sont le signe d’une réelle volonté de ne pas occulter les nombreuses victimes de ces événements malheureux.

M. SIEKRO ajoute que la lutte contre l’impunité ne doit pas seulement être l’affaire des autorités gouvernementales. Il faut que chaque citoyen puisse prendre l’engagement d’œuvrer pour mettre fin à l’impunité en refusant le silence ou la résignation. La victime de violation de droits humains doit aussi, dans la mesure du possible saisir les institutions judicaires afin que sa cause soit entendue et réglée. Dans tous les cas, le souci d’apaisement ou de réconciliation n’est pas incompatible avec la justice. C’est plutôt l’impunité qui perpétue les divisions et les rancoeurs, a-t-il précisé.

Le président d’AI-Togo conclut qu’il faut considérer que la causerie d’aujourd’hui constitue une sonnette de plus que tirent les organisateurs, pour que l’importance nécessaire soit accordée au sujet, que ce soit au niveau du gouvernement ou au cours du dialogue.

3- Les alternatives à la crise togolaise

Cette communication a été présentée par Rodrigue KPOGLI, Secrétaire Général de la J.U.D.A qui a tenu à apporter quelques précisions avant d’entrer dans le vif du sujet. Il a éclairé l’assistance sur cette conférence qui n’a pas pour but d’exalter M. BOKO, le porter au pinacle pour l’agiter comme un héro impeccable. Car a-t-il dit, M.BOKO a appartenu durant des années au pouvoir dictatorial du feu Eyadema. La nuit du 05 février 2005 lors du coup d’état absolument cynique de Faure Gnassingbé, il était parmi les officiers supérieurs de l’armée qui lui avaient prêté allégeance. De toute évidence, M. BOKO a un passé.

Cependant, a dit le communicateur ce que les organisateurs souhaitent partager avec l’auditoire, à travers cette rencontre, c’est la décision de M. BOKO de rendre le tablier à un moment où le pays allait sombrer. M. BOKO a ainsi donc, inauguré une jurisprudence politique au Togo et ceci à double point de vue : militaire et politique.
  • militaire, parce que l’ex-ministre était un officier supérieur, chef d’escadron de l’armée togolaise. Il a refusé de faire couler le sang du peuple togolais contrairement à ses autres compagnons jusqu’au-boutistes. Cet acte est une invite à tout homme en arme de ne pas satisfaire aux intérêts contraires aux idéaux républicains.
  • politique, parce que, M. BOKO était un homme politique, ministre dans un gouvernement et de surcroît, chargé d’organiser l’élection du 24 avril. Une mission fondamentalement politique. Sa démission est un appel à tout politique de rendre le tablier lorsque l’intérêt général n’est pas au cœur de son action et de la mission qui lui est assignée.

Le communicateur a dit que c’est un truisme de dire que le Togo traverse une crise en précisant que les alternatives qu’il formule à travers cette communication ne sont pas bibliques. Elles sont discutables et perfectibles. Elles ne sont pas non plus une découverte de la Jeunesse Unie pour la Démocratie en Afrique. Il s’agit entre autre : lutter contre l’impunité pour favoriser la réconciliation des Togolais, réformer l’armée togolaise, réformer la constitution, faire émerger un leadership responsable d’opposition, pratiquer de la citoyenneté au sommet de l’Etat, dialoguer pour dénouer la crise togolaise, opérer une mutation dans la mentalité collective, édifier une société civile forte, réveiller la Jeunesse togolaise.

Le communicateur a vivement appelé les gouvernants actuels à refuser la solidarité dans la bêtise noyée sous le vocable solidarité gouvernementale et refuser de servir un homme, un clan ou une famille en lieu et place d’une vision, d’un projet de société pour l’intérêt général (en suivant la jurisprudence BOKO).

III- Le débat

Après les communications, un vif échange a lieu. Des questions ont été posées aux communicateurs qui ont répondu dans une franchise tranchant avec les habitudes. L’auditoire s’est dit satisfaite et a vivement félicité la J.U.D.A pour avoir organisé cette conférence qui a pris fin autour de 18 heures GMT.