vendredi 20 février 2009

Des exécutions sommaires et extrajudiciaires au Togo.

DECLARATION DE LA J.U.D.A

Depuis des dizaines d’années, les forces dites de l’ordre au Togo abattent à bout portant des individus présentés à la télévision comme « des malfrats ». Dans leur communiqué habituel, les responsables desdites forces donnent des faits non-vérifiables, établissent la culpabilité des morts et lancent leur formule magique « c’est lieu d’appeler toute la population à la vigilance ».

Le mercredi 19 février 2009, la télévision nationale a rapporté que « les forces de l’ordre ont abattu mercredi matin à Agoè (banlieue de Lomé), trois malfrats appartenant à un réseau ayant participé à un braquage dans la nuit de mardi. Il s’agirait d’un braquage des individus qui revenaient de l’aéroport, emportant des portables, des bijoux et une importante somme d’argent. Selon le témoignage d’une des victimes "les malfrats ont fait usage de leurs armes en nous intimant l’ordre de nous coucher. Ils nous ont frappés et nous ont dépouillés".

Cet état de chose, devenu banal au Togo en raison de sa fréquence, est en réalité une violation systématique des droits humains dont le régime ensanglanté togolais s’est fait une spécialité. D’ailleurs le gouvernement, dans un communiqué a cautionné ce meurtre en saluant « le travail remarquable que les forces de l’ordre font dans la lutte contre la criminalité au Togo » et appelé à la "mobilisation des forces de l’ordre et de sécurité, de corps judiciaires et de toute la population, afin de contribuer dynamiquement à enrayer ce fléau". Aussi, mentionne le texte gouvernemental, "la résurgence de l’insécurité est un frein aux efforts d’apaisement politique et social, de protection des personnes et des biens".

S’il est tout à fait exact que l’insécurité est un phénomène à combattre, il est cependant inadmissible que la politique du gouvernement togolais en cette matière, soit celle rien que de la terreur.

La Jeunesse Unie pour la Démocratie en Afrique (J.U.D.A) condamne donc vivement cette façon de lutter contre la criminalité et l’insécurité et mentionne avec insistance que ces tueries sont donc des exécutions sommaires et extrajudiciaires qui nécessitent des enquêtes.

Elle demande à l’opposition parlementaire de se saisir de la question, d’interpeller le gouvernement et d’exiger l’ouverture des enquêtes au sujet de ces meurtres bénis au plus haut sommet de l’Etat sous prétexte que les individus tués sont des « malfrats ».

La J.U.D.A rappelle qu’aucune loi togolaise n’autorise les forces dites de l’ordre à abattre des « malfrats ». Au contraire, dans leur devoir d’agents garantissant la sécurité de la population, elles doivent être outillées légalement et techniquement pour faire face à toutes les situations. Seuls des cas extrêmes et justifiés factuellement peuvent faire appel au recours à des moyens d’actions non-conventionnels. Mais, l’amer constat est que dans un pays où les agents de sécurité et tous les autres corps du même ordre ont la gâchette facile et où ils ne savent taper que sur les faibles, les pauvres et les civils non-armés, la tendance est naturellement à l’usage des armes à feu et de la violence physique sur les présumés délinquants.

Résolument attachée aux valeurs ancestrales du respect de la vie humaine et aux principes d’Etat de droit, la J.U.D.A estime foncièrement que les forces dites de l’ordre doivent tenter jusqu’au bout dans la légalité d’arrêter les « malfrats » et autres délinquants- présumés innocents avant leur condamnation pénale- et les confier à la justice. En les fusillant à priori, les agents montrent leur incapacité totale à assumer leur mission avec tous les risques qu’elle comporte et sèment ainsi la terreur au sein des populations.

Aussi, souligne la J.U.D.A, la croissance de la criminalité, d’une part, est l’œuvre du contexte politique togolais fait de violences, d’impunité, d’injustices, de vols, de viols, de brimades et de crimes dont les premiers responsables sont au sommet de l’Etat. Lorsque l’exemple vient du haut, c’est toute la société qui est menacée. Pour cette raison, la J.U.D.A appelle une fois de plus à une mobilisation générale pour la fin de l’impunité au Togo. D’autre part, l’insécurité et la criminalité ne peuvent que prospérer dans un pays où les gouvernants illégitimes et autoproclamés, appauvrissent le peuple et s’occupent à s’accrocher au pouvoir par tous les moyens au lieu de travailler à créer des emplois, à fournir un cadre de vie de prospérité aux citoyens, à cultiver les valeurs culturelles africaines, à bâtir des infrastructures, bref, à développer les capacités productrices du pays.

Enfin, pour la J.U.D.A, il est impérieux que toutes les forces alternatives se mobilisent et se rassemblent pour mettre fin à ce régime tyrannique et notoirement infichu de faire face aux moindres problèmes sans recours à la violence contre les togolais. Car, sans la fin de ce régime ensanglanté et adepte du crime, le Togo n’aura pas de salut.

Le 20 février 2009
Pour la J.U.D.A
Le Secrétaire Général
Rodrigue KPOGLI

lundi 9 février 2009

Les chefs traditionnels et la tragi-comédie des Gnassingbè.


09 février 2009
Komla KPOGLI
Site : http://lajuda.blogspot.com/

Lors de la rencontre du MDTE à Paris en décembre 2007, nous disions que pour une remobilisation du peuple togolais, il était important de revoir le rôle des autorités traditionnelles pour enfin leur accorder plus d’attention. Nous affirmions : « la chefferie traditionnelle dans notre pays est malade. Elle est même inféodée au pouvoir. Le moment est arrivé de la déconnecter du pouvoir pour lui confier un rôle dans la promotion de la démocratie[1] ».

Cette chefferie au Togo était devenue un des instruments les plus efficaces du parti unique. Sous feu Eyadema Gnassingbè, les autorités coutumières étaient des agents locaux du RPT (Rassemblement du Peuple togolais, au pouvoir depuis 1963) dont elles diffusaient la propagande. Elles animaient les rencontres politiques, portaient des habits à l’effigie du dictateur et transmettaient toute la pensée officielle aux populations. Aujourd’hui, après la mort du tyran, les pratiques anciennes demeurent nouvelles. Le fils, en digne hériter de son père, perpétue visiblement cette tradition d’aliénation et de manipulation des pouvoirs traditionnels.

Le 29 janvier dernier, Faure Gnassingbè a convoqué 350 chefs de canton au Palais des Congrès de Kara pour se faire adouber. L’image rappelait ces grandes cérémonies au cours desquelles, feu Eyadema invitait les autorités coutumières pour qu’elles lui apportent leur caution morale et politique. On apprendra que Faure Gnassingbé, par le fait de prince, a doublé leurs indemnités de fonction, à l’issue de cette journée qui soi-disant était destinée à « échanger sur la chefferie traditionnelle et sa contribution au processus de réconciliation et d'apaisement engagé depuis 2005 par le Chef de l'Etat ». En lieu et place d’échanges et de contributions, on a eu droit à un chapelet de mots dithyrambiques à l’endroit du « Bien Aimé de la République ».

Les chefs traditionnels ont loué les bienfaits du roi Gnassingbè II en témoignant « leur reconnaissance au gouvernement qui, malgré la crise économique mondiale, reste à l'écoute des préoccupations quotidiennes de ses populations. La gratuité de l'école dans les établissements publics du primaire, le recrutement de nouveaux agents dans la fonction publique et la gratuité des ARV aux malades du sida ont été les principaux sujets au centre des débats ; les chefs traditionnels se félicitent ainsi des avancées enregistrées dans tous ces domaines par les autorités togolaises. Ils mettent par ailleurs un accent particulier sur la relance des filières du coton et du café-cacao, la recherche de l'accroissement des productions vivrières pour le développement du secteur rural et l'aboutissement d'un véritable progrès social. A cet effet, l'Union des Chefs Traditionnels du Togo exprime sa gratitude au gouvernement pour la fourniture suffisante en intrant dont 25.000 tonnes d'engrais restent à l'entière disposition des paysans. » Tout va bien alors au pays des Merveilles où la réalité des populations est faite d’indescriptibles misères ! Les chefs traditionnels, dans la profanation des valeurs ancestrales dont ils sont maîtres devenus, ont décidé de continuer de se détourner de la morale et d’aligner des mensonges pour des miettes.

Le site Republicoftogo.com rapportait « le président de l'Union des chefs traditionnels du Togo, Togbui Agokoli IV, a exprimé « toute la reconnaissance des chefs au président de la république pour les actions qu'il mène en vue de faire évoluer les conditions de vie et de travail aux Togolais ». Et d’ajouter que Agokoli IV a promis le soutien des chefs au gouvernement et au président en temps opportun pour lui permettre de poursuivre "ses actions de réconciliation et de modernisation du Togo". Traduction : les chefs traditionnels ont « décidé » de voter pour Faure Gnassingbè et le RPT lors des prochaines échéances électorales. Pour un corps social, hier fort respecté, et qui aujourd’hui devait rester au-dessus de la mêlée, compte tenu des responsabilités qui sont les siennes dans la société africaine et togolaise, les déclarations des chefs coutumiers sont inacceptables. Elles sont un parti pris flagrant qui malheureusement n’est pas une révélation aux yeux des togolais. Les chefs traditionnels- médiocres, arrivistes et petits de tête qu’ils sont et foulant aux pieds toutes les valeurs ancestrales- au Togo se sont illustrés à maintes reprises dans leur soutien au régime mafieux du Togo. Ils ont, sous la houlette de l’inénarrable Agokoli IV et bien d’autres soudards de son acabit, pleuré et supplié, à travers les rues poussiéreuses de Lomé et des villages, Eyadema Gnassingbè de rester au pouvoir, de modifier la constitution et de se présenter comme candidat en 2003. Ces imbéciles de chefs disaient porter la voix des populations. Grossières et pathétiques manœuvres dans un pays où les chefs se sont totalement ruinés pour s’être laissé violer à répétition par un pouvoir politique maléfique et méprisant les populations.

Curieusement, ces chefs traditionnels engoncés dans leur pagne croient représenter encore quelque chose aux yeux des populations. Alors que dans les villes, villages et hameaux, leur autorité morale est déjà mise à mal par une modernité ruineuse, aujourd’hui, en raison de leur positionnement politique pro-RPTiste, leurs décisions et règlements ne sont plus suivis, leur personnalité est largement méprisée et leur trône injurié et contestée. C’est peu dire si la cohésion sociale locale est malmenée sous ces individus dont la déchéance morale est aussi immense que leur ventre.

Pour le clan Gnassingbè et sa bande qui savent bien jouer sur les images en prévision des coups tordus qu’ils mijotent, il suffit que les chefs traditionnels soient vus à leur côté et surtout qu’un sceptre soit remis à leur joker- comme ce fut le cas à Kara -pour qu’ils justifient demain une victoire politique, en vérité, volée. Si, on ne tient compte que des images et du discours tenus par le groupe d’Agokoli IV, il serait incompréhensible que Faure Gnassingbè ne soit pas élu. La réalité est cependant infiniment plus complexe que ces soutiens fantoches et arrachés à coups de billets de banque. Feu Gnassingbè 1er utilisait la même tactique : organiser des marches de soutiens puis surfer sur ces manœuvres de masses pour s’adjuger des victoires qu’il volait dans la réalité. Dans ce jeu nauséabond, de même que Faure Gnassingbè sait qu’il joue sur les images, les chefs traditionnels sont conscients eux-aussi que leur soutien n’est que verbal et la réalité de l’isoloir le jour du vote, rattrapera ce cinéma. Mais dans ce jeu, la somme n’est pas nulle. Une partie a plus d’avantages sur l’autre. Faure Gnassingbè saura utiliser l’image pour justifier son hold up. C’est en cela que ces manifestations sont désastreuses.

Le pourrissement de la société togolaise est en marche. Il est urgent d’accorder quelques moments de réflexions sur la chefferie togolaise dont l’alignement politique ne peut qu’enrhumer davantage nos peuples écartelés entre un passé forcé à partir et une modernité qui tarde à venir.

La Jeunesse Unie pour la Démocratie en Afrique a déjà proposé des pistes. Il s’agit de réhabiliter la chefferie, de la déconnecter du régime RPT, de lui faire donner par voie législative, le droit à des indemnités de fonction et d’entretien de leur palais et d’exiger en retour fermement leur neutralité politique. Ce n’est qu’à ce prix que les chefs traditionnels pourront jouer dans la cohésion, dans l’intégrité et dans le respect de nos us et coutumes, leur rôle de gardien des valeurs africaines, de modérateur dans les conflits et d’irremplaçables agents de démocratisation et de développement.


[1] Communication de Rodrigue KPOGLI http://lajuda.blogspot.com/2008/01/compte-rendu-de-la-recontre-de-paris.html