Compte rendu de la conférence
A l’occasion du premier anniversaire de la tentative d’agression de Dimas DZIKODO, Directeur de publication du bihebdomadaire togolais Forum de la Semaine, l’association Jeunesse Unie pour la Démocratie en Afrique (J.U.D.A) a tenu une conférence débat au CESAL de Tokoin Séminaire à Lomé, le samedi 07 octobre 2006. Il s’agissait, selon les organisateurs, de partir du cas Dimas DZIKODO dont les enquêtes sont sans suite, pour parler du dossier de l’impunité au Togo.
Après l’exécution de l’hymne national et d’une minute de silence en mémoire de ceux qui sont morts pour la liberté au Togo suivie du premier passage du reggaeman Ras LY sous un tonnerre d’applaudissements, ce fut le tour du président de la J.U.D.A de prendre la parole pour remercier l’assistance.
Dans son discours, M. NALIALI Benjamin a déploré le fait que le Togo soit dans une phase cyclique de convulsions politiques depuis 1967, lesquelles crucifient le peuple sur l’autel des ambitions égoïstes et malsaines de certains homme politiques et font de l’impunité une plaie incurable sur la voie de la consolidation de l’unité nationale. « Tant que la question de l’impunité ne sera pas résolue, l’avènement d’une société togolaise unie, forte et économiquement émancipé ne sera une qu’une utopie » a-t-il martelé. Le Président de la J.U.D.A a affirmé que l’accord politique attendu sur le dossier de l’impunité n’y a apporté qu’une solution ambiguë, frappée d’irréalisme politique.
Revenant sur l’anniversaire de Dimas DZIKODO, le président de la J.U.D.A, s’est félicité de la vie du Journaliste avant de réitérer la ferme condamnation de son organisation de cette tentative d’assassinat qui est non éclairée à ce jour. Il a demandé que toute la lumière soit faite autour de cette agression et tous les cas d’impunité au Togo.
Prenant la parole, Dimas DZIKODO a remercié tous ceux lui ont apporté appui et soutien lors son agression. Il est revenu sur les évènements de cette nuit du 09 octobre 2005 où il a été appréhendé, roué de coups par des individus qui lui ont inondé le visage d’un gaz brûlant et introduit un liquide toxique dans sa bouche.
M. DZIKODO a condamné cet acte qu’il qualifie d’inadmissible à l’endroit d’un journaliste qui, selon lui doit être saisi par un droit de réponse ou doit faire l’objet d’une plainte en justice si par ces écrits, il offense un citoyen. Il a dit que ceux qui ont tenté de l’éliminer, n’élimineront ni Forum de la semaine ni la vérité.
Dimas a marqué son indignation quant au silence qui règne autour de son affaire et demandé la publication de l’enquête ouverte par la police. Il dit également attendre que suite soit donnée à la plainte contre X déposée devant les tribunaux togolais.
Après des intermèdes des Reggaemen Ras LY et de Fofoon the WAY, le Secrétaire Général de la J.U.D.A, M. Rodrigue KPOGLI a pris la parole pour livrer son exposé sur le thème. Après les mots de remerciements et s’être félicité de la tenue de la rencontre malgré les multiples pressions, M. KPOGLI aborde la définition de l’impunité, souligné ses manifestations au Togo puis proposé des solutions.
En clair, le Secrétaire Général de la J.U.D.A a démontré que le poids de l’impunité plombe le processus de réconciliation au Togo. Il a estimé qu’au moment où les législatives de 2007 se pointent à l’horizon, il faut donc parer à la récidive en trouvant une solution à la question de l’impunité étant donné qu’il est admis que c’est souvent en périodes électorales que les violences ainsi que les violations les plus grotesques des droits de l’homme atteignent leur apogée au Togo.
Concluant sa communication, M. KPOGLI a dénoncé les menaces sur le radio Sport FM et saisi l’occasion pour plaider pour le respect des droits des migrants en cette journée du 07 octobre, journée transnationale des migrations. Sur ce sujet, M. KPOGLI a dénoncé les conditions dans lesquelles les réfugiés togolais au Bénin et particulièrement au Ghana vivent. Il a expressément appelé le Togo à créer les conditions favorables pour les ramener à la maison le plus tôt possible avec la garantie à réparation.
Concluant sa communication, M. KPOGLI a dénoncé les menaces sur le radio Sport FM et saisi l’occasion pour plaider pour le respect des droits des migrants en cette journée du 07 octobre, journée transnationale des migrations. Sur ce sujet, M. KPOGLI a dénoncé les conditions dans lesquelles les réfugiés togolais au Bénin et particulièrement au Ghana vivent. Il a expressément appelé le Togo à créer les conditions favorables pour les ramener à la maison le plus tôt possible avec la garantie à réparation.
Les débats qui ont suivi, ont été très riches. M. Rodrigue KPOGLI qui était essentiellement visé par les questions, a, dans une franchise qu’on lui connaît, répondu et satisfait l’auditoire. Il a abordé les questions d’actualité notamment celles relatives à l’Accord politique global, au Gouvernement d’Union nationale et de la situation de la jeunesse togolaise.
Notons que les artistes Ras LY, Fofoon The WAY et Mc Jasky ont agrémenté la cérémonie qui a pris fin autour de 19 heures.
Lire en intégralité l’exposé de M. Rodrigue KPOGLI
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs
Chers camarades et invités,
C’est pour nous, une immense joie doublée d’une lourde responsabilité de vous savoir si nombreux à cette rencontre citoyenne. Chapeau à vous qui avez montré, par votre seule présence ici, que vous avez des couilles. Car jusqu’au bout, vous avez tenu, nous avons tenu, à rendre possible cette conférence malgré les pressions énormes qui ont fusé de toute part pour qu’elle n’ait pas lieu.
Nous rendons un hommage plus que mérité à notre frère et camarade, Ras LY qui, par sa musique énergique et pleine d’engagements, démystifie certains sujets tabous et appelle à une mutation des mentalités dans notre pays. Nous espérons qu’au-delà de la danse que suscite Ras LY, notre génération prendra la mesure des mots qui sont les siens et se conscientisera en vue de baliser les écueils sur ce chemin tortueux et pénible, menant à la démocratie, qu’est le nôtre.
Merci à tous ceux qui de loin ou près nous ont apportés leur bienveillant soutien.
Merci à tous ceux qui de loin ou près nous ont apportés leur bienveillant soutien.
Camarades, Militants des droits de l’Homme, nous avons conscience que la question de l’impunité est un sujet à forte charge émotive et politique dans notre pays. Qui veut la toucher risque de se brûler les mains. C’est pour cela que nous avons décidé de la visiter en vêtements citoyens surtout en ce moment où la pensée populaire est orientée vers l’acceptation d’une certaine solution au cas togolais.
1-Comprendre la notion de l’impunité
D’une manière générale, l’impunité signifie le fait de ne pas risquer d’être puni, sanctionné pour une faute commise. Placée sur l’orbite de la protection des droits de l’Homme, l’impunité est la situation dans laquelle des auteurs de violations des droits humains et du droit international humanitaire ne sont ni traduits en justice ni punis, parce que le système de gouvernement d’un pays ou les Etats membres d’une organisation intergouvernementale en ont décidé ainsi. C’est le fait d’être assuré de ne pas être inquiété pour des délits et crimes qu’on pourra commettre, ce qui, évidemment pousse à les commettre.
L’impunité revêt deux formes bien distinctes, l’une de droit et l’autre de fait.
L’impunité de droit consiste pour les pouvoirs publics, à intervenir directement pour prendre des mesures en vue d’absoudre les auteurs des violations graves et massives des droits de l’Homme. Celle-ci peut être une amnistie, une grâce ou une grâce amnistiante.
L’impunité de fait, quant à elle, consiste soit pour les autorités à ne pas ouvrir d’enquête au sujet des violations des droits humains soit à mener des enquêtes sans en donner suite. Et c’est ce cas d’impunité qui est courant au Togo.
2-l’impunité au Togo
En effet, bien de crimes économiques et de sang dorment dans les placards. Souvenons-nous des crimes de 1963 (un chef d’Etat a été tué, qui sont les auteurs de cet assassinat), les camps de concentration de Agoumbio, de Kasaboua ( souvenons-nous des révélations de Me Occansey à la conférence nationale souveraine), des crimes commis dans les années 90 avec des évènements de Fréau Jardin, des assassinats de Améyi, de Tépé, de Soudou, l’assassinat de Tavio Amorin, des manifestations populaires réprimées dans le sang, les morts des réjouissances populaires du 13 novembre 2004 (officiellement 13 morts devant les portes de LoméII).
N’oublions pas les crimes commis dans les villes et villages du Togo. N’enterrons pas les handicapés à vie faits par ce régime. La liste est longue et très longue.
N’oublions pas non plus les crimes économiques faits de détournements de deniers publics entraînant de facto privations de ressources pour le peuple togolais affamé, assoiffé et en plus ponctionné. (L’existence de ces crimes a conduit à la création de la commission anticorruption, qui ces derniers temps d’ailleurs observe un silence assourdissant. Dans bien de cas révélés, les inculpés répondent plus pour les faits politiques que des charges de détournement). Le jugement devait commencer par Jérusalem a été dévié. Et on sait les raisons.
C’est une suite arithmétique de violations de droits humains dont la raison et la fréquence sont la garantie de l’impunité aux auteurs.
Ces actes se sont alourdis avec les évènements de 2005 (assassinats des patriotes : Enquête de l’ONU, d’AI, de la CNSEI…). Le rapport de la mission d’établissement des faits de l’ONU établi sans ambages, certaines responsabilités (de la FIR – Force d’Intervention Rapide- l’armée de Terre-, la police Nationale- Quelqu’un avait commandé 2500 coupe-coupe pour tailler ses concitoyens en lieu et place des pompes à eau pour disperser les manifestants. Dimas DZIKODO n’a pas échappé aux fourches de cette longue culture, une seconde nature en quelque sorte, de ce pouvoir dont la trame n’est constituée que de sang. Des civils et bien d’autres éminentes grises, ces concepteurs de stratégies les plus inhumaines, de l’entourage de Faure Gnassingbé ont été indexés.
Ces violations majeures des droits humains non élucidées et jamais sanctionnées dans notre pays constituent une dette qui plombe et compromet de toute évidence le processus de réconciliation auquel les populations blessées, n’adhèrent pas. Sans allégeance à la vérité et à la justice et de surcroît sans réparation aux victimes, le régime appelle à la fête, décrète le pardon et la réconciliation ; une sorte d’autoamnistie ridicule ou révoltante.
3-Réactions du pouvoir à cette dette de l’impunité
- ouverture des enquêtes jamais fermées : comme le cas Dimas.
- parfois, on nie tout simplement les faits et donc pas d’enquête. Les révélations de FIDH, de l’ONU, d’AI, de LTDH et bien d’autres sont rejetées systématiquement. Le pouvoir togolais va jusqu’à dire que ces organisations sont manipulées par l’opposition : les assassins de Tavio Amorin qui ont signé leur crime, sont toujours en liberté totale.
- Enquêtes conclues mais pas de suite : attentats de Soudou, les cas révélés par la CNSEI de Koffigoh suite aux évènements de 2005.
- Menace des défenseurs des droits de l’Homme qui finalement sont chassé du pays. Tous les auteurs du 05 octobre 1990 ont dû fuir le pays, il n’y a pas très longtemps, les présidents de la LTDH partent en exil.
- La cerise sur le gâteau, c’est la trouvaille du Dialogue national : retour en 1958, et un ministère de la réconciliation une fuite en avant. Les questions d’actualité sont là devant nous.
Bref, le pouvoir veut jouer sur le temps pour faire passer ces faits gravissimes aux oubliettes. Ces attitudes irresponsables et à leur tour criminelles entraînent forcément la pérennisation des violations des droits de l’homme dans notre pays. Les bourreaux étant assurés d’être à l’abri de toute poursuite. Mieux, les criminels sont parfois remerciés et promus (au rang de ministre ou de directeur de société…) On fait la promotion des criminels dans une ère qu’on qualifie de l’heure de la réconciliation nationale. Une véritable injure à l’intelligence du peuple togolais.
4-La position de la J.U.D.A
Il ne pourra y avoir de réconciliation sans l’éradication de l’impunité au Togo. Nous autres, ne pouvons pas accepter un pardon sans confession qu’on veut imposer.
Etant une organisation convaincue que les valeurs démocratiques ne devaient être édulcorées pour quelles que raisons que ce soit, et connaissant les vertus thérapeutiques de l’exhumation de la vérité, la J.U.D.A a décidé de ne pas participer à cette vaste opération de dressage de l’opinion à accepter la compromission et l’absurdité. Pour cela, nous appelons, aujourd’hui même, que les recommandations faites à l’issue de diverses enquêtes menées sur le Togo en matière des droits humains soient mises en applications.
Nous avons fait le choix de ce combat pour des raisons suivantes :
D’abord par principe : on est défenseur des droits humain et lorsque les droits sont violés, il faut que l’auteur de la violation soit traduit devant la justice selon la loi. Car, avant même d’être une violation des droits de la personne, l’acte est avant tout un délit ou un crime sanctionné par la loi. Le principe de l’Etat de droit veut que personne ne soit au dessus de la loi.
Ensuite, pour éviter la récidive des actes de violences. Car, l’auteur d’une violation qui reste impuni aura du courage pour en commettre encore. De plus, les victimes de violations ou leurs proches sont tentés de se venger lorsque la justice qui doit être la même pour tous n’est pas appliquée par les autorités compétentes. Ainsi, il ne peut y avoir de vraie réconciliation sans justice.
Enfin, pour le droit à réparation aux victimes. Il est extrêmement important d’obliger les personnes responsables d’exactions à répondre de leurs actes, mais ce n’est que l’un des éléments qui permettent de rendre justice aux victimes. Il convient aussi que celles-ci obtiennent des réparations dont les cinq éléments consécutifs sont une indemnisation financière ; des soins médicaux ainsi qu’un traitement visant à la réadaptation ; la restitution (chercher à rétablir la victime dans sa situation précédente) ; des garanties que le crime ne se répétera pas ; enfin, la réparation des dommages moraux, qui implique que la victime recouvre sa dignité et sa réputation et que les souffrances subies soient publiquement reconnues. En clair, le tort qui a été fait doit, dans la mesure du possible, être réparé.
Il faut dire que la lutte contre l’impunité ne doit pas seulement être l’affaire des autorités gouvernementales. D’ailleurs, au Togo, l’hypothèse que l’Etat punisse volontairement les crimes, est très peu évidente. Les principaux bourreaux et les tortionnaires constituent les piliers actuels du régime en place. C’est pour cela que chaque citoyen doit prendre l’engagement d’œuvrer pour mettre fin à l’impunité en refusant le silence ou la résignation. Il faut toujours dénoncer les violations des droits humains et le silence des autorités face à de telles violations. Le peuple togolais ne peut être un objet de son histoire. Si nous nous taisons, les vagues de violations des droits de l’homme nous atteindrons et elles nous atteignent déjà.
La victime de violation de droits humains doit aussi, dans la mesure du possible saisir les institutions judicaires afin que sa cause soit entendue et réglée. C’est en cela que la société civile doit apporter son appui à des victimes ou leurs proches pour qu’ils mettent en œuvre leur droit à la justice.
Il faut apurer la dette de l’impunité pour amener le peuple à adhérer au processus de réconciliation. Sans cela, c’est un coup d’épée dans l’eau que de parler à longueur de journée de réconciliation.
5-Horizon inquiétant des législatives prochaines ou de l’urgence de payer la dette de l’impunité avant toute consultation électorale.
Il est connu que c’est souvent en périodes électorales que les violences ainsi que les violations les plus grotesques des droits de l’homme atteignent leur apogée au Togo. C’est pour cette raison qu’au moment où les législatives de 2007 se pointent à l’horizon, nous avons voulu sonner l’alarme en appelant tout le monde à la mobilisation contre les crimes impunis et à la vigilance.
Nous redoutons légitimement la récidive dans la mesure où les criminels d’hier sont en liberté et donc toujours en embuscade, prêts à sortir les armes, les coutelas et les gourdins pour tuer, blesser et chasser.
C’est en cela qu’il est plus qu’une nécessité que ceux qui ont contracté la dette de l’impunité, s’en acquittent avant toute consultation électorale voire toute réconciliation.
Nous appelons donc à un sursaut citoyen face à cette longue culture d’impunité au Togo.
Camarades, à travers cette conférence, nous saluons tous ceux qui oeuvrent pour la construction d’un Etat de droit au Togo, via leurs plumes et leur voix. Nous adressons notre ferme soutien à la radio Sport FM qui, il y a quelques jours, a été l’objet d’un harcèlement caverneux pour avoir diffusé un simple communiqué. Une logique précambrienne : on ne s’en prend pas à l’auteur de la déclaration mais plutôt au héraut qui n’a joué que son rôle de messager. Par cette énième atteintes à la liberté de presse dans notre pays (atteintes que nous dénonçons avec force), les roitelets refusent de comprendre que la forêt togolaise est un bien commun et que les autres doivent avoir un droit de regard sur leurs faits et gestes.
Il serait inadmissible de terminer cette communication sans dire un mot sur la journée transnationale des migrations, célébrée ce jour du 07 octobre. Il s’agit de plaider pour le respect des droits des migrants et des déplacés toute tendance confondue. A l’heure où nous parlons, des manifestations auxquelles nous adhérons totalement se déroulent de part le monde. Quant à nous ici, nous soutenons ceux de nos compatriotes exilés au Bénin et au Ghana où ils affrontent des hostilités de tout genre. Particulièrement ceux au Ghana avec qui nous avons partagé des moments d’intenses émotions en août dernier. Il urge que les conditions favorables soient créées pour les ramener à la maison le plus tôt possible avec des réparations assurées.
Je vous remercie
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