samedi 24 janvier 2009

Ces pauvres qui donnent de l’argent à Faure Gnassingbè.


24 janvier 2009
Rodrigue KPOGLI
http://lajuda.blogspot.com/

Faure Gnassingbè, vient de fermer son prétendu tour de présentation des vœux dans les différentes régions du pays. Cet homme qui -ne l’ignorons jamais- a capté le pouvoir dans le sang avec la complicité des puissances néocoloniales, de l’armée française et des forces armées togolaises, a cru utile d’aller de région en région pour adresser ses « vœux aux populations togolaises ». Comme si les familles togolaises qu’il a endeuillées voulaient de ses vœux. Comme si le pauvre cotonculteur, assoiffé et spolié des fruits de son labeur, attendait les vœux d’un pion des multinationales et des institutions financières internationales. Comme si les Togolais majoritairement appauvris, se nourrissaient des vœux dans un pays pris en otage, où les infrastructures s’écroulent et où les suppressions d’emplois commencent par s’accumuler.


Faisant de cette occasion une véritable opération de campagne de la présidentielle de 2010, Faure Gnassingbè a profité pour se faire tresser des lauriers qui en réalité sont inexistants et raconter des histoires et des promesses aux populations togolaises que son imagination conçoit comme une masse d’idiots et de moutons.


Alignant des fadaises le long de son parcours, le fils à papa au pouvoir et son cortège de bonimenteurs ont offert leur concert des Plateaux à la Maritime. Le best of de ce concert a eu lieu dans les Savanes. Arrivé à Dapaong, chef-lieu de la région des savanes, le 19 janvier 2009, Gnassingbè II a eu droit à un « accueil chaleureux ». Le « porte-parole des populations » Nana Gnèmè, représentant du Chef canton de Mango-ville entame la lèche : « votre bilan est positif », déclare-t-il en direction de Faure Gnassingbè. Puis, il cite : « au plan national, la politique d'apaisement social et de réconciliation qui a permis le retour des partenaires internationaux, les consultations nationales, et au plan local, la construction à Dapaong d'un grand hôtel, du marché, d'une maternité au CHR, les prix aux groupements agricoles, etc. »


En récompense, Faure Gnassingbè a reçu des « populations » de la région, un chèque de 500 mille francs CFA au titre de leur contribution au paiement de la caution de sa campagne pour la présidentielle en vue. Formidable élan de générosité des Savanes!


Encaissant le chèque, l’heureux récipiendaire dira « je veux vous remercier pour l'importante contribution que vous avez apportée au paiement de ma caution. J'en ferai un bon usage. Ce geste-là seul, me prouve que, en 2010, ici dans les savanes, je sais, vous savez, qui arrivera en tête ».


Ce cinéma est d’un goût extraordinairement mauvais pour qui connaît les pratiques du RPT. L’épisode est mal ficelé ou tout au moins, il est cousu de fil blanc. Car, le vendredi 7 mars 2008, à Nangbéto dans la préfecture de l’Ogou, s’est tenu un « conseil des ministres » qui avait entre autre discouru sur la pauvreté au Togo. Dans l’habituel communiqué lu à la télévision par Cornelius Aïdam, Ministre de la communication et de la formation civique à l’époque, il ressortait d’une enquête menée par le ministère de l’économie et des finances qu’ « un individu est considéré comme pauvre, s’il dispose d’un revenu annuel inférieur à 242 094 FCFA à Lomé, 156 115 FCFA dans la région Centrale, 155 026 FCFA dans la région de la Kara et 157 294 FCF dans la région des Savanes ».


Le communiqué précisait : « sur la base de ces seuils de pauvreté, il résulte que 24 % des personnes vivant à Lomé sont pauvres, 69, 4 % le sont dans la région maritime, 56, 2 % dans région des plateaux, 77, 7 % dans la région centrale, 75 % dans la région de la Kara et 90, 5 % dans région des savanes. Au niveau national, on estime que 61, 7 % des Togolais sont pauvres. Ainsi, la pauvreté est plus accentuée en milieu rural qu’en milieu urbain. »

Venant d’un gouvernement comme celui du Togo connu pour la perfection de son usine à opacité, tous ces chiffres sont à prendre avec des pincettes. Cependant, il est à noter que suivant les chiffres officiels, 90,5% de la population des savanes sont pauvres. Autrement dit, au Togo, la région des Savanes est la plus pauvre. Comment alors comprendre que ce soient justement ces populations qui aient choisi d’offrir de l’argent à Faure Gnassingbè pour sa candidature à l’élection à venir ? Les plus pauvres du Togo ont paradoxalement choisi de cautionner le régime qui durant un demi-siècle, les a méprisés et n’a rien proposé comme solution à leur misère. Etrange logique, n’est-ce pas ? Les Savanes n’ont pas assez de l’incurie voire de l’indifférence du clan Gnassingbè face à leur misère ! Ces populations ne sont pas seulement contentes. Mieux, elles en redemandent, subventionnent et cautionnent même le fils du défunt Eyadèma. Pitié ! Le cynisme du RPT n’a plus de nom.


Mais comme dans tout système inhumain, la perversité est poussée aux limites de l’acceptable, Faure Gnassingbè et ses apôtres locaux, par cette opération démoniaque, associent les populations sans voix de la région à leur propre malheur. Cuire les victimes dans leur propre jus rend la sauce plus agréable, n’est-ce pas M. Debbasch ? Le peuple togolais n’a-t-il pas toujours été associé, lui-même dans son ensemble à l’ignominie du RPT ? Qui a oublié les moments d’animation, de réjouissances populaires, de marches de soutien, de motions de soutien et des lettres de félicitations adressées à « Papa Eyadèma, l’homme de paix » qui a passé sa vie à taper sur les Togolais, à les massacrer et les envoyer en exil ? C’est ce régime antipeuple, inhumain et mensongèrement propagandiste qui se pérennise sous nos yeux enfiévrés.


Il n’y a aucun doute que le chèque de 500 mille francs CFA attribué « au Bien Aimé de la République » soit l’œuvre de ces « natifs » zélés de la région présents au gouvernement ou au sein du RPT désirant par cet acte, montrer qu’ils sont avec Faure Gnassingbè qu’il pleuve ou qu’il neige. Un des natifs de la région, quasi-éternel ministre s’est illustré déjà sous « papa Eyadèma » par l’organisation de fraudes électorales à répétition dans la région. Celui-ci, suivant des témoignages des militaires recueillis par notre organisation, à chaque élection, déplace des militaires le jour du vote pour bourrer les urnes contre deux boîtes de sardine, une baguette de pain et cinq mille francs CFA.


Ce chèque offert à Faure Gnassingbè, aussi modique soit sa valeur, est non seulement la symbolique que les vieilles recettes servent toujours mais surtout que le RPT est apte à toutes les stratégies y compris les plus monstrueuses pour s’attribuer des victoires qu’il ne remportera jamais. Ceux qui clament que le régime togolais est entré dans le renouveau sont invités à revoir leur grille de lecture. Et ce n’est pas la célébration du 13 janvier, du 24 janvier et bien d’autres vieux fonds de commerce toujours à la mode qui montreront le contraire.


Face à ces pratiques là, il est inutile de se plaindre à Blaise Compaoré, à la CEDEAO, à l’UE ou à l’ONU. Le monde est ce qu’il est, avec toute sorte de complicités et de connivences suivant les intérêts des uns et des autres. Seule une véritable mobilisation des forces endogènes, efficacement organisées et dotées de moyens adaptés, constitue la solution pour le Togo.


On ne le dira jamais assez !

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