Françafrique, suite et pas fin. Nicolas Sarkozy rend visite aujourd’hui, le temps d’un aller et retour, à son homologue angolais, Eduardo Dos Santos. Il sera question de business, Thales signant un contrat de télécommunications (140 millions d’euros), arrosé d’un zeste d’humanitaire, Total s’engageant à construire quatre écoles. Mais il s’agit surtout de tourner la page de l’Angolagate, une affaire de vente d’armes entre la Russie et l’Angola, négociée en France, qui empoisonne les relations entre les deux pays. Elle va être jugée en octobre à Paris, pendant six mois, avec risque de déballage à la barre. Il était donc grand temps de déminer.
Diplomatie parallèle. Ce marché avait été conclu en 1993 et 1994, pour un montant de 790 millions de dollars (503 millions d’euros), portant sur du matériel militaire issu «de la débandade de l’URSS et du Pacte de Varsovie», selon un intermédiaire, dont 170 000 mines antipersonnel. L’Angola est alors en proie à une guerre civile entre le parti au pouvoir à Luanda, le MPLA, et les rebelles de l’Unita. La France est officiellement neutre, mais le gouvernement Balladur est au bord de l’implosion : François Léotard, ministre de la Défense, reçoit le chef de l’Unita, Jonas Savimbi, au siège du Parti républicain, tandis que Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, croise Dos Santos (MPLA) dans un grand hôtel parisien. Interrogé sur procès-verbal, Alain Juppé, alors au Quai d’Orsay, affirme que «la ligne diplomatique de la France» consistait à ne «pas armer un camp plutôt qu’un autre». A Matignon, Balladur confirme que «des ventes d’armes à l’Angola étaient exclues.» C’est sans compter sur la diplomatie parallèle chère à Jean-Charles Marchiani, qui s’active en se prévalant de «l’aval de l’Etat français».
Le principal négociateur du contrat d’armement, Pierre Falcone, longtemps en fuite à l’étranger sous couvert d’un passeport diplomatique angolais auprès de l’Unesco, affirme sans rire avoir agi par «devoir humanitaire vis-à-vis de l’Angola». Cohabitation oblige, il aurait rémunéré des lobbyistes de gauche (Jean-Christophe Mitterrand, Jacques Attali…) comme de droite (Jean-Noël Tassez, Paul-Loup Sulitzer…), mais surtout les dignitaires angolais : 55 millions de dollars en virements bancaires, deux millions en espèces plus, selon l’accusation, des «frais aériens, hôteliers, chirurgicaux»… Là encore, il minaude : «C’est pour faciliter les choses et non pour acheter des gens.» Peu importe après tout, car les commissions versées aux Angolais ne sont pas dans la saisine de la justice française - elle ne vise que les rétrocommissions bénéficiant à des décideurs bien de chez nous.
Pétrodollars. L’Angolagate, initiée l’été 2000, a contribué à éliminer Pasqua du paysage politique, au bénéfice de Chirac (pour éviter un parasite au premier tour de la présidentielle…) et Sarkozy (pour récupérer la présidence du conseil général des Hauts-de-Seine) réunis. L’Elysée veut aujourd’hui nouer avec l’Angola - riche en pétrodollars mais classé 160 sur 177 en terme de développement humain - des relations «décomplexées». C’est le mot.
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