mardi 19 août 2008

Mise au point de la J.U.D.A

Le chauffeur d'Agbobli aurait confirmé avoir bel et bien déposé son patron à l'hôtel et non en route.

Le décès d'Atsutsè Kokouvi Agbobli a été une surprise pour les uns qui croyaient le Togo, sécurisé. Pour les autres, loin d'être une surprise, cet événement est la confirmation que le Togo n'est pas une démocratie garantissant à ses citoyens sécurité et vie.

Le 05 août 2008, à travers une déclaration au nom de la Jeunesse Unie pour la Démocratie en Afrique, nous condamnions les propos de Bawara qui voulait faire rosser à mort un journaliste, fut-il de son camp. Nous traitions ces propos comme « ...la preuve que Bawara et bien d'autres veulent perpétuer un Etat de terreur, d'intimidations, de démission et de sauvagerie à l'état pur sur la terre togolaise. » (1) . Alors que certains internautes avaient réagi en nous affublant de tous les noms d'oiseaux et soulignant leur lassitude quant à la cause que nous défendons, des voix ne se sont pas suffisamment élevées pour les contrer. De ces réactions, nous avions conclu que si des citoyens parvenaient à un tel niveau d'insensibilité et de mépris pour les principes et les valeurs, eh bien, nous n'aurons nos yeux que pour pleurer plus tard.

Dix jours plus tard, la nouvelle tombe soudainement. Le corps de M. Atsutsè Kokouvi Agbobli est retrouvé au bord de la mer. Stupeur et nervosité dans le camp des démocrates. Avant toute chose, nous soulignons que certaines analyses de M. Agbobli divergent des nôtres mais pour l'essentiel, nous nous rejoignons.

Il convient donc de faire une mise au point sur le décès pour le moins suspect de cet homme politique au vocabulaire fourni et au discours sans ambiguïté.

A l'analyse, on peut retenir au moins trois pistes possibles pour lire ce décès :

  1. le suicide

C'est la thèse défendue par les officiels togolais notamment le ministère de la Sécurité et de la Protection sociale, qui dans un communiqué, déclare que M. Agbobli aurait tenté mercredi de se donner la mort par absorption de substances toxiques. Le ministère poursuit que la famille du disparu, l’avait fait admettre il y a quelques jours dans une clinique de Lomé où il avait subi des soins spécifiques. Soulagé, M. Atutsè Kokouvi Agbobli, avait demandé à son chauffeur de le conduire dans un hôtel de la place dès 4 heures du lendemain. »

La même source affirme que « c’est en cours de route que M. Agbobli avait demandé à son chauffeur de s’arrêter, il était sorti du véhicule pour se rendre vers l’océan. Inquiet de ne plus le voir revenir, il avait alors prévenu la famille et les secours. » (2)

Le 18 août, le site officiel du Togo écrit « Le 15 août dernier, son corps avait été retrouvé sur une plage de Lomé à la hauteur du Foyer des marins ». Avant d'ajouter « la CNDH vient d’exiger l’ouverture d’une information judiciaire afin d’élucider le mobile qui a poussé M. Agbobli à se donner la mort, mais aussi de clarifier les circonstances exactes du décès. » (3)

Il ressort de ces différentes explications deux questions: pourquoi les officiels ont-ils attendu 24 heures avant de se prononcer et parlant des secours, le ministère de la sécurité fait-il allusion aux pompiers ou aux simples citoyens riverains? Concernant la deuxième question, on peut se demander s'il s'agissait des pompiers, pourquoi le communiqué n'a-t-il pas souligné que les recherches ont été toute suite engagées pour trouver M. Agbobli dès les premières heures? Pourquoi ce n'est qu’à l’aube du matin du 15 août que les habitants du quartier ont été alertés par la découverte du corps de M. Agbobli? Que faisaient lesdits secours (pompiers ou non) pendant tout ce temps, s'ils avaient été effectivement prévenus? S'il s'agit des riverains en guise de secours, ont-ils informé les officiels togolais de la situation?

Admettons que M. Agbobli ait absorbé de substances toxiques. Quelle est la nature des substances? Connaît-on la provenance desdites substances? S'agit-il d'un empoisonnement?

Ces questions sans plus de détails du ministère, ajoutées à la personnalité du défunt – ses responsabilités intellectuelles, familiales et politiques-, il est difficile de conclure hâtivement au suicide.

  1. l'assassinat politique

Proche de Edem Kodjo et prônant avec lui « Le Grand Pardon », M. Agbobli a été de 1994 à 1996 ministre de la communication et de la culture puis ministre chargé des relations avec le Parlement. Ce n'est qu'en 2006, que M. Agbobli crée son propre parti; le Mouvement pour le Développement National (MODENA) après avoir fondé Afric'Hebdo, journal d'informations et d'analyses. Dans ses prises de positions, M. Agbobli rapprochait le MODENA de l'Union des Forces du Changement (UFC) de Gilchrist Olympio.

Régulièrement M. Agbobli critique le pouvoir togolais et appelle Faure Gnassingbé à assumer les responsabilités que lui impose le titre de président de la Répubique qu'il s'est octroyé sans l'aval du peuple. Il montrait du doigt l'armée et disait aussi clairement que nous, que le vrai pouvoir est entre les mains des militaires. Par de pareilles prises de position, le président du MODENA ne peut être en odeur de sainteté avec les Apparatchiks du régime en place. Cela peut-il lui coûter la vie? C'est probable mais rien ne vient appuyer cette thèse pour le moment. Sauf que dès les premières heures, Jean Pierre Fabre, Secrétaire Général et député de l'UFC, a parlé d'assassinat et a demandé une enquête. Plusieurs citoyens ont eux-aussi pensé toute suite à un assassinat politique et les internautes ont eu pour une majorité écrasante, la même réflexion.

Ces réactions sont-elles justifiées? Malheureusement, oui, car des assassinats du genre ont été commis dans un passé très récent au Togo. Les cadavres rejetés par la mer, mentionnés par Amnesty International dans son rapport de 1999, sont encore présents dans les esprits (4). Quand on se réfère aux cadavres sortis de la Lagune de Bè en avril 2005, on peut légitimement comprendre ces accusations. Quand on observe que les auteurs et commanditaires des crimes qui ont émaillé la vie socio-politique togolaise depuis bientôt un demi-siècle, jouissent de l'impunité et sont même promus dans l'administration civile et militaire, on peut penser que M. Agbobli est assassiné.

M. Agbobli est aussi journaliste et directeur de publication d'un hebdomadaire. Cela ne doit pas ignorer dans l'analyse. Quand on connaît ce qui est fait contre les journalistes au Togo, on peut se demander s'il n'est pas victime de sa profession. Mais tout ceci reste à prouver. Et dans la recherche des preuves, la question de savoir, à qui profite le crime, est essentielle surtout que d'une source bien informée, la J.U.D.A (5) a appris que le chauffeur d'Agbobli aurait confirmé avoir bel et bien déposé son patron à l'hôtel et non en route.

  1. Le crime crapuleux

Des individus dénués de tout mobile politique, avaient-ils quelque chose à reprocher au président du MODENA au point de le tuer? Est-il victime de bandits de grand chemin? C'est la piste la moins évoquée jusqu'ici. Et pour cause! Personne n'imagine que de simples citoyens togolais puissent se livrer à une telle cruauté. Quelles peuvent en être les raisons si cette thèse doit être abordée: vol de ses biens, raisons passionnelles, envie? Que ce soit du côté de la famille ou des officiels togolais, rien de tel n'a été constaté. Donc, c'est tout à fait logique de considérer la piste du crime crapuleux comme la moins évidente et donc, pas sérieuse.

Conclusions

M. Agbobli est comme tout autre Togolais. Cependant, il est président d'un parti politique et directeur de publication d'un journal. Sa mort ne peut être banalisée. On doit fouiller et expliquer au peuple ce qui s'est réellement passé. Si le pouvoir togolais connu pour ses fuites en avant et ses ruses, ne veut pas élucider ce décès extrêmement troublant, il faudrait que la société civile et la classe politique s'organisent pour obtenir des explications. Car, trop c'est trop. La liste des victimes est déjà trop longue au Togo. Que ce soit un crime crapuleux, la responsabilité des officiels est engagée pour n'avoir pas pu assurer à un citoyen togolais, la sécurité. Que ce soit un assassinat politique, le pouvoir RPT en serait sans doute le responsable.

Peut-on avoir confiance qu'une enquête indépendante soit conduite sur le sujet par les officiels togolais? Pas vraiment. Surtout que le ministère de la sécurité avait conclu à suicide après que M. Agbobli s'est administré des substances toxiques. Curieusement, ce n'est qu'après cette version que « le procureur de la République près le tribunal de Lomé, Robert Bakaï, a adressé des réquisitions au chef du service d’anatomie et cytologie pathologique du centre hospitalier universitaire de Lomé à l’effet de procéder à l’autopsie du corps de l’homme politique, écrivain et journaliste Atsutsé Agbobli afin de déterminer la cause exacte du décès ». Cette démarche du Procureur de la République va tout simplement confirmer la version du ministère de la Sécurité. Ainsi, croyant se foutre de la gueule du peuple Togolais, le pouvoir aura au contraire fourni toutes les preuves de l'assassinat de M. Agbobli.

Quant à la Commission Nationale des Droits de l'Homme, elle veut créer un comité interne pour ouvrir une enquête parallèle. Mais, cette commission, par son histoire récente et son fonctionnement actuel n'offre aucune garantie d'indépendance vis-à-vis du clan Gnassingbé. Il faut donc, que les députés des partis d'opposition demandent la mise sur pied d'une commission mixte composée de la presse indépendante et des organisations des droits humains y compris la FIDH et Amnesty International, pour enquêter au plus vite. A défaut, la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies sera saisie sur la question. Après tant de crimes, nous devons enfin réclamer la vérité pour au moins, une fois.

S'il est un enseignement que nous avons tiré de la mort de M. Agbobli, c'est qu'à force de jouer mollement contre le pouvoir, à force de croire que la tyrannie va d'elle-même se convertir, à force de nous complaire dans la désorganisation, à force de vouloir composer avec le clan, nous ne connaîtront que de pareilles situations. Car s'il est établi que M. Agbobli a été victime d'un assassinat politique, c'est aussi de notre responsabilité en tant que forces alternatives. Le clan Gnassingbé étant assuré que l'émotion et l'indignation à travers des communiqués et autres déclarations tomberont trois jours plus tard.

Avec des milliers de morts qu'il y a eu Togo, le peuple togolais est poussé à croire à l'idée que faire de la politique, c'est creuser sa tombe en attendant d'y entrer. C'est une façon de pousser les citoyens à ne plus s'assumer, à avoir peur et à renoncer à leurs convictions. Un peuple qui a peur, qui renonce à ses convictions, est un peuple vaincu. Et être à la tête d'un peuple vaincu, c'est être lâche. La politique c'est l'offre d'idées au peuple. C'est la discussion avec l'adversaire. Ne pas l'aimer mais ne point le haïr. Ne point vouloir sa destruction par les armes si ce n'est que par la force des arguments. Voilà ce en quoi nous croyons et ce pour quoi nous nous battons.

19 août 2008

Pour la J.U.D.A, Le Secrétaire Général

Rodrigue KPOGLI.

  1. http://www.togocity.com/article.php3?id_article=2962&var_recherche=JUDA

  2. http://www.republicoftogo.com/central.php?o=1&s=0&d=3&i=2325

  3. http://www.republicoftogo.com/central.php?o=1&s=0&d=3&i=2327

  4. http://www.amnesty.org/fr/library/asset/AFR57/001/1999/fr/dom-AFR570011999fr.html

  5. http://lajuda.blogspot.com/

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