«RÉVOLUTIONS ARABES» : ENJEUX ET RÉPERCUSSIONS SUR LE CONTINENT AFRICAIN. L'AFRIQUE ENTRE GUERRES «HUMANITAIRES» ET DROITS DE L’HOMME AVEC UNE CPI CLIENTÉLISTE. L’AFRIQUE ENTRE SES PARADOXES ET SON UNION «SABOTÉE» AVEC À LA CLÉ UNE AFRICOM ET SES VISÉES STRATÉGIQUES. DES QUESTIONS COMPLEXES QUE LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE A ABORDÉES DANS CET ENTRETIEN AVEC KOMLA KPOGLI, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA JEUNESSE UNIE POUR LA DÉMOCRATIE EN AFRIQUE (JUDA)...
Lien PDF de l'entretien avec La Nouvelle République d'Algérie: http://www.lnr-dz.com/pdf/journal/journal_du_2011-12-19/lnr.pdf
Entretien réalisé par Chérif Abdedaïm
"C’est la France qui a le plus ouvertement saboté l’unité continentale africaine". |
Un mot
sur les « révolutions arabes ». Pour vous, ce sont des
« révolutions inabouties et sous contrôle ». Pouvez-vous
expliciter ?
Komla Kpogli : On ne peut dire que l’intention
véritablement révolutionnaire soit totalement absente des rangs de ces marées
humaines dans les rues des pays en question. Les régimes politiques
kleptocrates soutenus dans ces pays sous le fallacieux prétexte qu’ils constituaient
des remparts anti-islamistes avaient non seulement immobilisé le peuple par la
répression mais surtout ils l’avaient immensément paupérisé au profit de deux
entités absolument parasitaires : une « élite indigène »
corrompue pour qui le patriotisme est le premier des péchés à commettre et des
économies capitalistes prédatrices. Cette situation ne peut que conduire tôt ou
tard à des insurrections populaires. La bonne foi révolutionnaire de beaucoup
de manifestants est donc à présumer. Mais, laisser les choses se faire par le
peuple équivaudrait à lui accorder la force de prendre sa destinée en main.
Autrement dit, c’est amoindrir la mainmise occidentale sur les richesses de ces
pays, c’est perdre le rôle géopolitique attribué à ces pays dans ce qui est
dénommé la scène politique moyen-orientale, c’est donner la possibilité à ces
peuples de désigner des interlocuteurs valables face au lieutenant de la région
qu’est Israël. Dans ces conditions, les pays occidentaux, même si certains
comme la France ont eu du retard à l’allumage, ont compris qu’il fallait
prendre le contrôle de ces bouillonnements populaires et leur donner une
direction. Canaliser ces révoltes voire
les organiser pour qu’elles servent au mieux les intérêts jusque là défendus
par les satrapes au bord du précipice. Pour obtenir ces changements dans la
continuité, les parrains de ces tyrans vont les sommer de quitter le pouvoir et
ils iront, pour certains, jusqu’à former des « jeunes
révolutionnaires » à l’école des mouvements que la CIA via la National Endowment
for Democracy (NED) avait actionnés dans les Balkans dans les années 2000. D’autres
encore leur offriront des facilités médiatiques et communicationnelles au
travers des réseaux sociaux. Ces « exigences » en apparence en
conformité avec le vœu des masses révoltées résultent en réalité d’un calcul
rigoureux. Demander et obtenir, avec la rue, le départ des tyrans pour pouvoir
mieux maîtriser la suite des évènements et conserver leur système et leurs
régimes. C’est ainsi qu’après le départ du pouvoir de Ben Ali et Hosni
Moubarak, deux joyaux présentés pendant longtemps par leurs parrains comme
« les meilleurs élèves de la région », le système n’a pas
fondamentalement bougé. « Les rois étaient tombés, mais vive les rois ».
C’est en cela que ces révolutions sont inabouties et maîtrisées. Mais
visiblement, les peuples ont compris le jeu notamment en Egypte où ils n'ont
jamais cessé de manifester en vue d’obtenir la fin d’un système et pas seulement
le départ d'un homme et de son clan.
Certains
pensent que la guerre de Libye est une guerre contre l’Afrique. Etes-vous de
cet avis ?
Komla Kpogli : Bien évidemment elle l’est.
Plusieurs projets et réalisations de la Jamahiriya arabe libyenne dans nombre
de territoires africains confirment cette lecture. La Libye a investi dans
beaucoup de ces territoires. Ces investissements mettaient directement en
danger ceux des pays occidentaux qui considèrent ces espaces comme les leurs. Il
en est ainsi du financement en partie du satellite Rascom 1. Le fait que ce soit la Jamahiriya qui
parle le plus d’une Union Africaine tournée essentiellement vers les besoins
africains, le fait que ce soit elle la première contributrice intérieure au
budget de l’UA actuelle et qui par ce biais tentait de limiter la dépendance de
l’Afrique entrent dans ce schéma. Il y a en outre les projets de création du dinar-or
qui serait une monnaie africaine, d’une nouvelle politique de redistribution
des recettes pétrolières et de la constitution d’un gouvernement fédéral
africain avec des attributions énumérées par Kadhafi en 2009 avec tous les pays
africains ou à défaut un nombre restreint selon ses propres termes l’ont exposé
à la haine occidentale renforcée à la fois par des vérités que, côté africain,
seuls Kadhafi et quelques rarissimes dirigeants puissent dire du haut de la
tribune de l’ONU et par des investissements des fonds souverains libyens
investis dans des pays occidentaux. Ces investissements notamment dans
l’agro-alimentaire, dans le pétrole, les banques et assurances et dans
l’immobilier rapportaient pas mal de profits à ce pays qui finançait ainsi son
développement en toute autonomie. Ce qui l’avait mis aussi à l’abri du piège de
la dette que recommandent le FMI et la Banque mondiale. En outre Kadhafi vient
régulièrement en aide aux pays en indélicatesse avec les occidentaux, alias la
communauté internationale. En assassinant un homme de cet acabit, il est
évident que c’est toute l’Afrique qu’on vise.
Au-delà de tout ceci, il faut dire que l’un des
objectifs les plus importants de cette guerre c’est de priver les africains de
modèle de gouvernement endogène. Les empêcher d’avoir des référents sur le plan
local –nonobstant leurs imperfections ou erreurs- qui puissent les inspirer de
sorte qu’ils aient toujours le regard tourné vers le modèle capitaliste
occidental qui les pillent et les endettent tout en ayant un discours sur l’aide
et la coopération en bandoulière.
Quelles
seraient les répercussions de ces « révolutions arabes » sur le
continent africain ?
Komla Kpogli : Leur effet sera d’une moindre
importance aussi longtemps que les tyrans africains seront de « bons
élèves » du FMI, de la Banque Mondiale…Au fond, la crise étant chronique
en Afrique, il existe des contestations quotidiennes plus ou moins organisées
contre les tyrans en place. Mais ces contestations noyées dans le bain des
répressions sanglantes ne suscitent aucune attention si elles ne sont
considérées que comme la manifestation patente des « conflits
ethniques » qui seraient la mesure de toute chose en Afrique noire selon
les spécialistes autoproclamés de l’Afrique. Toutefois, certains peuvent être
tentés de s’inspirer des mouvements maghrébins suscités ou non. A notre avis,
ces tentatives seront vaines. Car, il leur manquera le soutien des occidentaux
comblés dans leurs multitudes attentes par l’état actuel de la gouvernance en
Afrique noire. C’est ce que nous voyons actuellement avec le vol à main armée
du suffrage populaire par joseph Kabila au Congo. Malgré les cris de détresse
de Tshisekedi, vainqueur spolié de son dû, personne ne lui volera au secours.
Mieux, toutes les déclarations que ce soit celles émanant du secrétariat
général de l’ONU, des ONG et des chancelleries occidentales
consistent à culpabiliser les victimes pour blanchir les coupables. C’est une
vieille méthode que ces institutions ont inventé pour maintenir immobilisé de
tout temps notre peuple, pour assassiner des millions d'africains, surtout des
plus illustres et ainsi garder les intérêts coloniaux en l'état. Toutefois, pour éviter que cette
perspective fasse dire à vos lecteurs que nous sommes d’un pessimisme sans
égal, nous disons que les africains doivent faire leur révolution en
s’inspirant d’eux-mêmes, c’est-à-dire en partant d’eux-mêmes pour revenir à
eux-mêmes. L’histoire montrant que les noirs n’ayant pas d’alliés dans le
monde, ils ne doivent que compter sur eux-mêmes en toute chose.
Les
Occidentaux prétextent mener ces guerres au nom des droits de l’homme
(guerre humanitaire), à considérer ce qui se passe en Palestine, au Bahreïn, au
Yémen, en Afghanistan et sur les bases militaires de Guantanamo et d’Abou
Ghraïb, peut-on encore parler de droits de l’homme ?
Komla Kpogli : Il n’y a pas de guerre humanitaire.
C’est un mythe. Ces guerres sont du business. Non seulement la dépendance
politique du pays agressé s’implante mais encore ses richesses sont drainées
vers les pays agresseurs et leurs multinationales. Les « soldats humanitaires » de l'Occident accompagnés
de quelques ravitailleurs locaux africains ou arabo-musulmans de pacotilles et
de décor détruisent l'aviation et le matériel militaire, mais le gouvernement
fantoche et obséquieux à venir devra acquérir de nouveaux matériels de guerre.
Les « guerriers et les bombardiers humanitaires » détruisent les
infrastructures dont s'est dotée le pays agressé au prix d'énormes sacrifices,
mais les préfets locaux à venir devront en reconstruire. Et qui sont ceux qui
vont avoir les contrats pour la prétendue reconstruction? Les multinationales
des pays envahisseurs. Comme en Irak et partout ailleurs. Ainsi, le profit sera
double voire triple: détruire ce qu'on avait vendu, faire payer le reste de la
facture si tout n'avait pas été réglé par l'ancien régime et
« reconstruire » ce qu'on avait détruit. On a vu clairement ces pratiques aux lendemains immédiats de la
chute de Tripoli. Après Sarkozy et Cameron, une bande dite d’hommes d’affaires
conduite par le secrétaire d’Etat français au commerce extérieur, Pierre
Lellouche a débarqué en Libye. Les déclarations faites par des membres de ce
cortège et surtout celles de Pierre Lellouche étaient très décomplexées. Ils
étaient venus, déclaraient-ils, prendre leur part, car il n’y avait qu’eux (les
français) et les anglais à combattre aux côtés du fameux CNT.
En ce qui concerne les droits de l’homme, il serait
grand temps de se demander, au vu de l’histoire et de la politique
internationale, qui est cet homme qui a des droits, quels sont ces droits et
pourquoi ce sont seulement les occidentaux et leurs officines ainsi que leurs
ailes marchantes locales agréées et affublées du titre d’organisation de
protection ou de défense des droits de l’homme qui en parlent en direction
d’autres pays notamment ceux qui ne leur sont pas totalement soumis. Au
demeurant, lorsque des pays qui se livrent à des actes inhumains ou les
cautionnent dans des pays que vous venez de citer et qui malgré leur cv d’exterminateurs
de peuples entiers aussi bien ailleurs qu’en Europe où ils ont tenté
d’exterminer les juifs, d’esclavagistes, de colonialistes, de pillards, de
voleurs récidivistes les armes au point, viennent vous parler des droits de
l’homme, vous devez savoir qu’il y a escroquerie.
Vous
considérez les droits de l'homme, la
liberté et la démocratie venant de l'Occident, comme une
arnaque que les africains ne comprennent pas pour le moment ;
entendez-vous par là, les gouvernants ou les peuples ?
Komla Kpogli : C’est une arnaque pour deux raisons.
Tout d’abord, l’Occident intrinsèquement individualiste,
conquérant et dominateur ne peut œuvrer pour le bien d’autres peuples. Il
suffit de faire un bon dans l’histoire mondiale ancienne et contemporaine pour
s’apercevoir que l’Occident ne s’est jamais soucié que de son propre bien-être.
Les rares moments où il a eu à partager ses réussites avec les autres se sont
déroulés dans un rapport de force qui lui est défavorable ou marqué par un
équilibre. C’est le cas par exemple de ses relations avec la chine aujourd’hui.
Ensuite, en s’octroyant la paternité de ces concepts,
l’Occident s’autorise le pouvoir de s’immiscer directement dans les affaires intérieures
des pays qui ne lui sont pas soumis. De ce fait, les occidentaux s’accordent le
monopole de l’exportation de ces notions par des injonctions, des pressions de
toute sorte et des guerres.
Ces concepts sont des outils que l’Occident puise dans
de sa boîte à outils pour abattre des régimes insoumis. Dans cette boîte à
outils, aux côtés de ces concepts, on trouve pêle-mêle : le droit
international, le discours humaniste, l’aide humanitaire, les ONG, les médias,
la justice internationale, l’ONU, les organisations militaires telles que
l’OTAN...Les fameux réseaux sociaux à géométrie variable entrent également dans
cette boîte à outils. Ces concepts dont nous parlions sont des alibis, des
prétextes qui servent à l’occident de niveler le monde à sa mesure, de s’offrir
de nouveaux marchés, de briser toute tentative d’émancipation qui ne veut pas
s’inspirer du modèle occidental, de détruire toute réflexion autonome au sein
d’un pays, d’étrangler toute idée de répartition juste et équitable des biens
au sein d’un pays et de contraindre des sociétés à abandonner leur culture. Au
nom de la liberté, des droits de l’homme et de la démocratie, l’occident tue la
liberté, les droits et le choix des peuples. Tous ceux qui luttaient pour une
Afrique autonome ont été chargés par la propagande occidentale d’être des
communistes, ennemis de la « liberté » qui n’est que la liberté pour
l’Occident de s’emparer des richesses de l’Afrique et donc des tyrans pour qui
l’assassinat physique est l’issue. Dans les pays latino-américains, tous les
régimes issus de la volonté populaire étaient et sont considérés comme des
dictatures les plus féroces traquées et matraquées à longueur de journée par un
occident pour qui le tyran est celui qui veut que les richesses de son pays
servent prioritairement à répondre aux besoins de ses habitants. Le tyran qui
viole les droits de l’homme, la liberté et la démocratie c’est celui qui veut
renégocier les contrats miniers de son pays avec les multinationales, c’est
celui qui essaie de limiter la casse du libéralisme orchestré par l’OMC, le
FMI, la Banque mondiale... Lorsque le vote d’un peuple ne correspond pas au vœu
de l’occident, il est antidémocratique ou alors c’est la fraude. Des exemples
existent à profusion : Gaza avec le Hamas, l’Afrique avec des élections
ici et là. Lorsque le vote est fraudé et entaché de violences les plus
sanglantes en faveur du poulain de l’Occident, il est, selon la formule
consacrée : « malgré quelques légers incidents qui n’entament pas son
issue, libre, démocratique et transparente ». On « prend acte des
résultats » au nom du principe de la souveraineté qu’on nie aux autres et
les diplomates et autres commentateurs occidentaux disent « pourquoi
voulez-vous qu’on intervienne dans leurs affaires intérieures ? » ou « si
on intervient on critique l’interventionnisme occidental, si on n’intervient
pas on nous accuse d’inaction » ou encore « on ne peut leur demander
d’accomplir en quelques dizaines d’années ce que nous avons, nous occidentaux mis des siècles à
construire ».
Dans leur sphère immédiate, les occidentaux refusent aux
peuples ce qu’ils prétendent apporter à ceux qui sont à des milliers de
kilomètres. On vient de le voir en Grèce où l’ex-premier ministre Papandreou a
commis selon les deux premières puissances de l’Union Européenne le crime de
vouloir demander l’avis de son peuple sur un accord qui prescrivait un
traitement de choc à cette économie en faillite. De la même façon, les
gouvernants qui livrent des guerres à d’autres pour soi-disant leur faire
écouter la voix du peuple, étaient ceux-là mêmes qui avaient contourné la vox
populi concernant l’adoption du traité de Maastricht.
Donc, aussi bien par omission que par commission, aussi
bien dans son espace qu’ailleurs, l’occident n’agite ces notions que pour
répondre à ses intérêts et ceux de ses classes dirigeantes toutes tendances
confondues. Partout où l’occident est intervenu au nom de ces notions, que les
sceptiques ressassent l’histoire, le chaos total s’installe à l’intérieur avec
un tyran qui organise parfaitement la canalisation des richesses du pays vers
l’extérieur. Ce sont donc les peuples qui ne comprennent pas encore cet
attrape-nigaud. C’est pour cela que des organisations dites de défense des
droits de l’homme et de promotion de la démocratie fleurissent en Afrique avec
le financement des Etats occidentaux, des multinationales, des fondations et
des organisations dites internationales. Et en bénissant ces concepts que les
occidentaux portent à la bouche, les peuples attirent le loup dans la bergerie
africaine. Sans doute leur restera t-il la liberté et la démocratie ainsi que
le droit de compter les cadavres. Lorsque les peuples auront compris, ils
chercheront des solutions endogènes aux problèmes auxquels ils sont confrontés
au lieu d’appeler les loups surnommés « la communauté
internationale » au secours.
Récemment
Laurent Gbagbo a été « déporté » devant la CPI, des organismes des droits de l’homme à l’instar
d’Human Right Watch ont salué ce transfèrement ; or, si l’on comptabilise
les crimes commis par les israéliens, les américains, les français, leurs
leaders méritaient également de comparaître devant cette CPI. Pourquoi
cette politique des deux poids deux mesures ?
Komla Kpogli : Cette situation s’explique par le
fait la CPI est une institution politique au sens propre du terme. La
propagande veut la faire passer pour une justice. Malheureusement, des
africains toujours les premiers à être impressionnés par l’industrie du leurre
occidental y croient vivement. Or, la CPI n’est une justice que de nom.
Puisqu’elle est très sélective. Elle cible et pourchasse certains hommes qui, à
l’observation de leur personnalité et de leur orientation idéologique, ne sont
coupables de rien sauf à refuser de se soumettre au colonialisme et elle garantit
l’impunité la plus absolue à de véritables criminels. La CPI distingue donc
deux types de crimes : les mauvais crimes qui sont commis par ceux qui
sont du mauvais côté, c’est-à-dire ceux qui s’opposent à l’occident et les bons
crimes qui sont le fait de ceux qui sont du bon côté car ils sont occidentaux
ou leurs alliés. En plus de cette distinction, la CPI fabrique des crimes
contre d’autres personnes que l’Occident entend punir.
De par son origine, son financement et ses pratiques, la
CPI montre bien qu’elle est une institution des pays que vous venez de citer.
La quasi-totalité des ONG qui ont été créées ou activées pour lui donner un
vernis citoyen parrainé par l’ONU sont fondées ou financées par l’Union
Européenne, le gouvernement britannique, la NED, c’est-à-dire la CIA, Open
Society la fondation de George Soros qui se décline en Afrique par OSIWA,
OSF-SA, OSISA et OSIEA. L’inénarrable Luis Moreno Ocampo, le fameux procureur
de la CPI qui a connu des accusations d’abus sexuels de la part d’un de ses
collaborateurs, a été enseignant aux universités de Stanford et de Harvard,
consultant à la Banque Mondiale et aux Nations Unies puis membre consultatif de
Transparency international dont il a présidé la délégation Amérique latine. On
comprend donc le canevas idéologique de cet homme qui n’a durant tout son
mandat donné au crime contre l’humanité que le visage noir des africains
soigneusement triés sur le volet.
A propos
de l’Afrique, c’est le continent le plus riche de la planète, avec une
profusion de ressources naturelles, mais aussi, 57% vivent sous le seuil
de pauvreté, c’est-à-dire avec moins d’1,25 $ par jour.
Komla Kpogli : Cette contradiction s’explique par le
fait que l’Afrique continue d’être un continent colonisé dont les richesses
nourrissent d’autres peuples. Il n’y a pas d’Etats en Afrique pour organiser
l’économie et l’orienter vers la résolution des problèmes endogènes. Il existe
dans chaque espace délimité, un semblant de territoire, une population, mais
pas un pouvoir organisé. Ce dernier est institué et organisé pour drainer les
ressources africaines vers d’autres cieux. L’Afrique est confronté à ce que
vous décrivez car elle est un continent extraverti, son économie est une
économie coloniale conduite à produire ce qu’on lui demande et non ce qui
correspond aux besoins de son peuple, son système éducatif, une construction
coloniale, produit une cargaison des cadres aliénés, des cadres encadrés dont
les rêves les plus fous sont non pas de transformer l’Afrique à partir de ses
valeurs intrinsèques, mais plutôt de maintenir et vulgariser la version
falsifiée de l’histoire africaine, de violer le peuple noir, de lui imposer
toute sorte de greffe ou de travailler dans institutions dites internationales
qui ont toujours œuvrer contre l’Afrique à savoir l’ONU, l’UE, la Banque
Mondiale, le FMI, l’OMC…Bref, cette « élite indigène » désire ardemment
s’emparer du costume de hauts fonctionnaires qui mystifient leur monde par ce
qu’ils considèrent comme un brillant parcours ou une réussite extraordinaire. Pour
monter les étages de ces proto-Etats et conserver ses petits privilèges, cette
« élite indigène » fière de son statut immobilise tout le reste de la
société. L’école africaine confirme cet état de chose. L’école africaine ne
donne à l’africain ni les bases théoriques nécessaires à la compréhension de
ses problèmes, encore moins les outils pour les résoudre. Elle déprogramme
l’africain depuis le bas-âge, le reprogramme contre lui-même et cette
reprogrammation est consolidée par le catholicisme colonial qui chemine avec un
protestantisme acculturateur et un islam rabougri, perturbateur et qui, en terre
africaine ne s’illustre que par la consommation effrénée du mouton et le
cérémonial de la prière incessante. Ces religions importées à coups de canons, d’épée
et de ruses de la « bonne nouvelle » et du « salut » sont
concurrencées par un mouvement évangélique « born-again » financé par
l’axe américano-israélien qui ajoute de la confusion à la confusion dans une
ambiance de show américain avec des pratiques mystificatrices servant à
racketter des populations médusées dont les pensées sont orientées vers un
paradis dont l’accès est conditionné par la pauvreté sur terre. Tout ceci fait
que les africains ne maîtrisent pas du tout leur espace dont ils ont perdu
d’ailleurs la possession depuis des millénaires si nous remontons à l’Egypte
pharaonique.
Que faudrait-il
faire pour inverser la situation ?
Lorsqu’on ne maîtrise pas son espace, on ne peut pas le
transformer. La condition sine qua non pour remédier à ce drame c’est de
comprendre que l’Afrique n’est pas africaine. Qu’elle n’est en rien
indépendante et que les africains ne décident de rien du tout. Ils vivent sur
des territoires qu’ils ne maîtrisent pas. Mais déjà ce premier constat est nié
et combattu farouchement par quelques négro-africains trépanés dans les écoles
et universités occidentales. Ceux-ci le font soit par naïveté, soit par
intérêts et quels intérêts d’ailleurs ? Des Miettes qui tombent de la
table des maîtres au travers du financement du business associatif ou des
miettes du pouvoir colonial que ces négro-africains gèrent. Or sans ce diagnostic,
les solutions à prescrire seront du cautère appliqué sur une jambe de bois. Du
reste, c’est ce qui se passe. Donc, il faut poser clairement le diagnostic et
aboutir à la conclusion que l’Afrique demeure sous colonisation. Pour preuve,
elle produit toujours des matières premières contre des produits finis et dans
les deux cas les prix ne sont pas fixés par elle. Elle subit des guerres
coloniales, son système monétaire est contrôlé de l’extérieur…Une fois ces
faits établis, il faut dire aux africains que le développement est impossible
dans des cadres étatiques extravertis, cloisonnés et construits à la conférence
de Berlin entre 1884-1885 pour résoudre les problèmes liés aux rivalités entre
pays occidentaux impérialistes. Qu’en conséquence seule une insurrection
générale qui démolira ces proto-Etats pour les reconstruire sur les valeurs
négro-africaines passées à la loupe de notre douloureuse histoire, avec une
idée fédérale comme principe et des outils de défense des plus robustes peut
sortir l’Afrique de la misère imposée à elle. Mais pour y arriver, il faut
former et informer les africains. Il faut les organiser efficacement. Il faudra, pour cela, commencer par faire admettre aux africains
que sous un leadership éclairé et courageux, les
peuples les plus médiocres ont pu faire des bonds dans l'histoire et qu’en
conséquence l’attitude typiquement négro-africaine qui nous pousse à haïr, à
détester et à isoler celles et ceux de nos enfants qui sont lucides et capables
d'imprimer un rythme de marche relève de la folie qui conduit au suicide. C'est
uniquement sous un leadership capable que nous relèveront la tête et dans ce
cas, il faut dénoncer les mesquineries qui nous minent, braquer la torche sur
les petits coups bas, éclairer les petits arrangements nocturnes pour isoler,
détruire ou court-circuiter les gens les plus vaillants parmi nous et saboter
les initiatives les plus audacieuses, ne plus confier aux plus incapables mais
qui par la ruse et le torpillage des autres s’accaparent des tâches qu'ils se précipitent
de couler dans l’immobilisme le plus paralysant. C’est
dans cet ordre d’ailleurs que nous avons lancé depuis février 2005 l’idée d’un
front africain contre le néocolonialisme (FAN) qui, au regard des évènements
récents, est plus que nécessaire. Ce n’est que suite à un bouleversement de cet
ordre immobile établi entrainant une maîtrise effective du sol africain que les
africains pourront construire une économie conforme à leurs besoins et à leurs
aspirations.
Pour
vous, l’Union africaine telle qu’elle existe aujourd’hui, est le symbole
palpable d’une Afrique sabotée. Par qui ?
komla Kpogli : Oui, l’Union Africaine dans sa forme
actuelle est la forme la plus perfectionnée de la non-Afrique. Car, l’idée
d’une unité continentale telle qu’elle a été envisagée par Nkrumah, Sekou Touré, Nasser, Modibo Keita, Olympio et bien
d’autres était assassinée dès lors que le groupe de Monrovia s’était joint au
groupe de Brazzaville. Ce dernier étant, par origine et par destination, un
outil de la France, lorsqu’il a rejoint le groupe de Monrovia, a fait naître
une organisation continentale tronquée, inefficace, absolument parasitaire et
paralysante. Les idées du groupe de Casablanca, plus en conformité avec
l’esprit des pères fondateurs du panafricanisme sont ainsi mises en minorité et
tuées.
En clair, c’est la France qui a le plus ouvertement
saboté l’unité continentale. Bien évidemment ce torpillage s’est élargi avec
d’autres pays notamment les USA, la Grande-Bretagne, la Belgique, le Canada et
le cadre appelé l’Union Européenne qui ne perçoivent pas l’Afrique dans un rôle
autre que celui de fournisseur de sources d’approvisionnement en matières
premières et de débouchés pour leurs industries. Mais, ces pays ont d’abord
pris le soin de dresser ce que la France coloniale appelle une « élite indigène »
dont la mission est de collaborer à l’exploitation de l’Afrique. C’est en
faveur de cette élite qu’on a assassiné ou renversé Lumumba, Olympio, Nasser,
Nkrumah, Sekou Touré, Modibo Keita et des millions d’autres anonymes. C’est en
faveur de cette même élite que le président Laurent Gbagbo a été renversé et Mouammar
Kadhafi assassiné froidement. Avec l’élimination de ces deux derniers
dirigeants, la pensée anticoloniale au pouvoir et l’ambition d’une réelle unité
africaine viennent de subir un rétrécissement géographique dont l’immensité
sera difficile à combler, car actuellement, il ne reste en Afrique quasi-totalement
que des contremaîtres qui veillent jalousement sur les intérêts du colonialisme.
Jamais l’Afrique n’a connu une telle période dans son histoire, puisqu’aux
temps mêmes les plus sombres des razzias négrières et du colonialisme direct,
il y avait des gouvernants ouvertement hostiles au système et favorables à la
dignité aussi bien individuelle que collective.
Quelles seraient
d’après-vous les conséquences d’Africom pour le continent africain ?
komla Kpogli : Africom c’est le dispositif militaire que
les européens qui occupent les terres indiennes d’Amérique ont conçu pour
encadrer l’Afrique. Ce commandement militaire opère actuellement depuis
Stuttgart en Allemagne. En dépit de toutes les explications des responsables
d’Africom notamment celles de son premier commandant, un général noir – la
précision vaut le coup – nommé William Ward qui est remplacé depuis mars 2011
par le général Carter Ham qui veulent le faire passer pour inoffensif et
l’intérêt des africains, ce déploiement militaire a et aura trois conséquences
majeures.
Il vise
avant tout à renforcer la présence des européens occupant l’Amérique en Afrique
et donc à agrandir leur sphère d’influence politique. Ce qui signifie qu’ils
influenceront plus directement et plus lourdement la politique en faisant des
coups d’état, des guerres et du contrôle direct des populations. Ils auront des
troupes et leur commandement à portée de la main comme la France qui, avec ses
bases militaires au Gabon, à Djibouti et au Sénégal ainsi qu’avec des opérations
extérieures (opex) fait des guerres, opère des changements de régime, soutient
les régimes qui défendent ses intérêts contre le peuple et contrôle les
populations.
Ensuite,
Africom vise à sécuriser les sources de matières premières nécessaires à
l’économie des USA, en particulier le pétrole, dont l’importation aux États-
Unis devrait, selon les termes mêmes de la CIA, supplanter en volume dans les
dix prochaines années celles en provenance de l’Arabie saoudite. Ce qui veut
dire que les ressources africaines vont échapper davantage aux africains qui
contrôleront encore moins leur espace qui leur a déjà énormément échappé.
Enfin et
ceci n’est pas la moindre des conséquences, ce commandement militaire visant à
contenir l’influence chinoise sans cesse grandissante en Afrique, entraînera
une rivalité qu’on peut qualifier de choc des titans et dont les victimes ne
seront que des africains.
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