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décembre 2011
Il
est une pratique qui retarde non seulement la prise de conscience de nos masses
mais encore la chute des régimes tyranniques que le système colonial a
installés dans les territoires africains. Cette pratique, c'est celle qui
consiste à vouloir mener la lutte avec des moyens qui ne sont pas à notre disposition.
C'est de "lutter" avec des armes qui n'existent que dans nos têtes et
dans les plans les plus fous élaborés en dehors des réalités. On cible
inlassablement le but, l’objectif et on ne s’interroge jamais suffisamment sur
les moyens à utiliser pour atteindre ce but. Ou si la question est formulée,
elle l’est faussement. Cette pratique est celle de ce qu'on appelle dans le
territoire du Togo les "opposants".
Les
"opposants" au Togo ne cessent de rêver que des armes. Lesquelles?
Les fusils, des cargaisons d'armes à feu et des tonnes de matériels militaires
pour renvoyer le satrape et sa bande qui « ne connaissent que le langage
des armes ». Mais lorsque la question est posée pour savoir où trouver ces
armes, on est confronté à des schémas qui frisent au bas mot, l'irréalisme.
Ainsi, l'interlocuteur curieux est conduit dans les sentiers pour le moins
obscurs d'Al Qaeda, des rebelles Touareg, des rebelles de Côte d'Ivoire, des
groupes en lutte au Nigeria...Certains "stratèges" vont jusqu'à évoquer
des liaisons avec des pays occidentaux qui finiront par rejoindre la marche du
peuple africain du Togo vers la liberté dès l'instant que les
"opposants" les auront rassurés de ce que le renversement du pouvoir
des Gnassingbé ne signifierait pas la fin de leurs privilèges coloniaux. C'est,
sans rire, assez imaginatif! Seulement tous ces "plans" et autres
"solutions" confinent notre marche commune dans le rêve et dans des
stratégies fondées sur des moyens qu'on n'a pas. Et ces fameuses stratégies ont
le don de permettre au régime en place de prolonger tranquillement son
espérance de vie. Aussi longtemps que ces stratégies imaginaires seront en
vogue, aussi bien au Togo qu'ailleurs en Afrique, les satrapes se la couleront
douce aux yeux du peuple noir étranglé par la misère dans sa forme la plus
honteuse.
En
mai 2010, nous énoncions dans un texte abondamment commenté (avec de grandes
injures et de graves menaces à la clé) la nécessité d'utiliser les armes qui
sont à notre portée. Nous énoncions la nécessité d’un bilan qui conduirait au
renversement du « combat mené jusqu’à la victoire finale » avec des
moyens imaginaires au profit d’une démarche étudiée, bien organisée qui
conduirait « l’opposition » à aller dans un gouvernement, et ceci
pour plusieurs objectifs tout en continuant et en renforçant le travail de
mobilisation, de formation et d'organisation devant aboutir à une insurrection
populaire victorieuse. Il s’agissait de montrer par là que dans la situation
qui est la nôtre où nous ne sommes pas dans l’offensive, il nous faut
nécessairement trouver ou construire un terrain où nous pourrons être amenés à
ne plus subir les tactiques de l’adversaire mais à utiliser les moyens à nous
dans l’optique de l’atteinte du but qui est d’en finir avec le pouvoir en place
et établir de nouvelles institutions issues du peuple et à son service. En
toute logique, nous avions énuméré publiquement certains de ces objectifs
tandis que d’autres avaient été gardés sous silence afin de leur conserver
toute leur efficacité. Autrement dit, nous esquissions le recours aux armes
multiformes que notre espace nous fournit gratuitement et immédiatement pour
nous permettre de trouver des solutions aux difficultés qui s’imposent à nous.
Quand bien même les armes à feu nous seraient utiles, faire d’elles des moyens
absolument incontournables au point d’ignorer que le milieu dans lequel se
déroule notre scène regorge d’autres, est suicidaire. Nos anciens qui n’étaient
certainement plus idiots que nous, nous avaient légué pourtant une piste
relative à la stratégie dans un adage populaire qui dit : « c’est la
taille du bâton que l’on a entre ses mains qui détermine celle du serpent
à tuer». Autrement dit, opter pour la confrontation directe, les mains vides
avec des forces désorganisées sans théorie, ni tactique, ni feuille de route,
ni structuration, ni moyens de communication, c’est choisir la voie de la
défaite. C’est dire donc que lorsqu’on n’a pas les fusils de longue portée, se
rapprocher de la cible pour utiliser les armes qu’on a en main, c’est faire
preuve d’inventivité et d’efficacité. Quand on n’est pas capable de se doter
ici et maintenant d’une rébellion armée avec des moyens sophistiqués que cela
requiert face à une armée dont la profession est de tuer et de terroriser les
civils en faveur d’un système criminel, aller prendre des moyens supplémentaires
dans le camp adverse n’est pas une trahison mais un signe d’intelligence et une
capacité à faire croire à l’adversaire qu’on est là où on n’est pas en réalité.
Ces dernières armes, beaucoup plus diffuses et apparemment inefficaces voire
inexistantes pour les yeux non avertis ou détournés par la lutte armée rêvée,
utilisées à leur optimum nous donneront celles dont nous rêvons. Mais ce type
de réflexion est proscrit dans nos milieux et au Togo, l'inquisition
oppositionnelle le perçoit même comme une tentative de s'offrir du repas à la
table du régime criminel en place. D’aucuns estiment que ce type de réflexions
aussi séduisant qu’il paraît, repose au fond sur des bases fragiles. D’autres
enfin crient au scandale et, prenant les débauchages opérés ça et là par le
pouvoir dans les rangs de « l’opposition » pour un changement de
stratégie par ces débauchés qui cachent leur palinodie sous la formule d’aller
« changer les choses de l’intérieur », disent qu’on déjà essayé tout
ceci sous nos cieux. Bref, l’idée de combinaison de moyens ou de variation de
moyens ou même leur complémentarité selon beaucoup au Togo, relève de la
fourberie, de la recherche de gains privés et d’un appel à la démission collective.
Ainsi, la porte reste hermétiquement fermée à d'autres idées que celles qui
louent les fusils légendaires.
Dans
une guerre, et ce que nous faisons en est une, il faut savoir utiliser les
moyens dont on dispose pour combattre. A défaut, en restant là avec le rêve des
moyens mythiques, la défaite est la plus sûre des garanties et la mort, la
destination finale. Puisque ces armes que les thuriféraires falots louent ne
tomberont pas du ciel, le fameux combat jusqu’à la victoire finale se
retrouvera fracassée sur la dureté de la réalité du terrain : le vide.
Il
faut le répéter: dans une lutte de libération, seul l'objectif ne varie jamais.
Les moyens et les stratégies eux peuvent et doivent varier en fonction des
ressources aussi bien humaines que matérielles disponibles, de l’état moral des
troupes combattantes, des faiblesses et des forces de soi et de l'autre camp et
du développement de nouvelles tactiques et alliances par le camp d'en-face. En
rendant immobiles les moyens d’action et la stratégie, la paralysie guette et
il ne sera pas étonnant de constater la lassitude, des désillusions voire une
panne totale de la machine. Et c'est ce qui se fait voir aujourd'hui au Togo.
En consacrant ces « armes » qui nous seront hypothétiquement données
par des entités hors de notre portée et donc insaisissables, nous avons réussi tout seuls à nous enfermer dans une
posture victimaire, pleurnicharde et sans issue qui renforce le système contre
notre peuple. Cette posture nous pousse à ne voir la solution au mal togolais
que par le viseur des armes à feu que nous n’avons pas et que nous n’aurons pas
compte tenu du contexte géopolitique qui est le nôtre. Cette posture est sans
issue tout simplement parce qu'elle nous enferme dans l'étau des armes à feu
imaginaires et d'une rébellion armée mythique.
La force d’un mouvement qui veut en finir avec un système, c’est
d’utiliser au mieux les moyens qui sont les siens avec des ressources humaines
bien formées, bien préparées à se servir de toutes les occasions pour tendre
vers la réalisation de l’objectif et redoutablement bien organisées pour porter
l’estocade au moment opportun. C’est en étant capable de se servir de ses
propres moyens que ce mouvement peut en acquérir d’autres qui lui sont
inaccessibles jusque-là. Mais la démagogie proclame le contraire et cloisonne
ainsi la marche commune avec un discours puriste et gauchiste dont le gain est
d’élever ses auteurs au rang des « vrais opposants ». De « vrais
opposants » qui se contentent de leur titre chèrement acquis alors que la
masse crève sous tous les maux et la jeunesse se retrouve en débandade vers des
cieux rêvés meilleurs où la désillusion les attend patiemment.
Lorsque
nous aurons enfin compris que la lutte contre le colonialisme se mène non pas
avec des moyens rêvés mais avec ceux qu'on a, nous aurons débuté la montée des
étapes vers la victoire. Nous commencerons donc par utiliser le plus
intelligemment possible et le plus efficacement possible les armes qui sont à
notre portée et que seuls la rupture avec notre espace, avec notre
environnement immédiat et le manque de confiance en nous-mêmes nous empêchent
d'utiliser parce que nous ne les voyons pas ou parce que nous refusons de les
voir ou même en les percevant, nous n’avons manifestement pas des ressources
humaines capables, en toute sérénité et froideur, de s’en servir. Nous
sortirons alors des stratégies des armes qu'on n'a pas pour embrasser les
stratégies des armes que nous avons sous la main et nous nous fonderons sur
celles-là pour avoir d'autres. Nous disons ceci fondamentalement à ces
compatriotes qui ne cessent de nous échafauder des « stratégies »
fondées sur le fusil et des cargaisons d’armes à feu qu'ils espèrent avoir
auprès des entités aussi insaisissables qu’éloignées des intérêts qui sont les
nôtres, et sur la confrontation directe les mains nues dans un mouvement de
désorganisation globale. Or, la stratégie de la confrontation directe ici et
maintenant n’est victorieuse que si l’on a une force de frappe équivalente ou
supérieure à celle de l’adversaire. En l’absence de cette supériorité, « l’art
de la guerre » prescrit une approche réaliste appliquée avec méthode et
intelligence.
Un
peuple en lutte, ça compte avant tout sur ses propres moyens. Lesquels moyens
doivent exister et non des moyens oniriques. Les premières de ces armes sont
pêle-mêle: sa faculté infaillible de garder à l'esprit l'objectif à atteindre,
son aptitude à analyser ses forces et faiblesses et celles de ceux qu'il
combat, son intelligence à déjouer les pièges immobilisateurs, son adresse à
utiliser les outils qui lui sont immédiatement accessibles, sa capacité à
varier ces outils, sa capacité à faire le mort quand sa survie en dépend, son
génie à former des ressources humaines capables de projeter et d'implémenter
les stratégies des plus fécondes aux fins de réaliser l'objectif fixé tout en
étant aptes à faire avancer la marche révolutionnaire en toute circonstance…
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