mercredi 30 janvier 2008

Tultogo.com échange avec Rodrigue Komla KPOGLI







Au lendemain du scrutin législatif du 14 octobre dernier, Tultogo a initié une série d'interviews pour avoir les impressions de certains acteurs et des organisations de la société civile. Pour cette première partie nous diffusons pour nos lecteurs une première partie d'une interview que vient de nous accorder le Secrétaire Général de la J.U.D.A, une association de la société civile togolaise. Monsieur Rodrigue Komla KPOGLI se prononce sur les élections, les résultats donnés par la CENI après une série de jonglage et la question Nord Sud. Bonne lecture.

Bonjour M. Rodrigue Komla KPOGLI, les résultats définitifs des législatives du 14 octobre viennent de tomber. Le RPT a obtenu 50 sièges, l'UFC et le CAR en ont obtenu respectivement 27 et 4. Quelle est votre réaction?

Ces résultats ne correspondent à aucune donnée réelle. Nous sommes là une fois encore dans une fiction absolue. Décidément le RPT, parti au pouvoir depuis bientôt un demi siècle n'aime pas la démocratie et par conséquent s'est fabriqué un peuple à part entière qui vote toujours pour lui malgré ses pratiques mafieuses et son bilan catastrophique. Ce peuple imaginaire du RPT qui se trouverait au-delà des montagnes d'Alédjo est d'une telle loyauté que rien ne tempère sa propension à voter pour ce parti.

Non, soyons sérieux! Connaissant le désir du peuple togolais dans son ensemble et particulièrement des populations de la partie septentrionale du pays de rompre avec la dictature et d'aller à la démocratie, ces résultats sont de véritables injures à l'intelligence, à la maturité et à la dignité de tous. Ces chiffres donnent l'image d'un peuple togolais qui s'auto-flagelle et qui renonce à toutes les revendications sociales, économiques et politiques exprimées jusqu'ici quotidiennement sans limites géographiques ni ethniques. Rien n'a changé au Togo pour qu'un tel miracle se produise. C'est un second « retour triomphal » dans l'histoire du Togo. Ceux qui jouaient au Saint Thomas en misant sur le volontarisme de Faure Gnassingbé sont à présent servis.

Les dirigeants du RPT disent que le peuple par ce vote, démontre son adhésion à la politique d'ouverture de Faure Gnassingbé
Nous avons nous aussi écouté cette justification qui est donnée par le Secrétaire général du RPT, Solitoki Esso. Nous considérons que cette explication est un mensonge pur et simple. A qui va t-on dire qu'il y a une ouverture au Togo? C'est d'ailleurs drôle que ceux qui avaient accepté l'ouverture aient été remerciés par des zéros pointés. Drôle de manière de remercier les compagnons au moment de la répartition. En somme, on nous dit que le peuple togolais veut par ces résultats, signifier son option à voter en faveur du RPT pour avoir le meilleur de l'opposition.

Admettons que les résultats publiés soient la preuve de l'adhésion du peuple à la fameuse politique d'ouverture. Comment comprendre alors que les partis qui ont accepté dès les premières heures ladite ouverture aient été purement et simplement renvoyés les mains vides à l'exception du CAR qui remporte le prix de la consolation avec 4 sièges alors que l'UFC qui n'a pas été tout à fait perméable à l'ouverture comme l'aurait souhaité le RPT, ait obtenu 23 sièges. Autrement dit, le parti déclaré par le pouvoir comme ayant le moins adhéré à l'ouverture, dépasse les autres partis qui eux, ont totalement accepté le jeu avec le RPT. L'ouverture n'aura profité donc qu'au RPT et non à ses partenaires.

Les thèses de M. Esso ne résistent à aucune analyse sérieuse. Ce sont les tous derniers arguments d'un esprit sans arguments.

Monsieur Esso dit aussi que ce vote ne veut pas dire qu'il existe une fracture politique entre le nord et le sud...
Si nous comprenons bien le nord qui voterait pour le RPT et le sud qui voterait pour l'opposition, pour Esso c'est le signe de l'unité du peuple togolais. Une conclusion inattendue. Alors deux explications possibles s'imposent. Soit le RPT sait bien que cette fracture n'est pas réelle; donc inventée de toutes pièces pour les besoins de la cause et dans ce cas cette déclaration de Solitoki Esso équivaut à l'acceptation implicite de résultats fictifs. Soit, cette division Nord/Sud est réelle et donc il n'y a pas eu d'ouverture et de politique d'apaisement et de réconciliation qui justifieraient un vote massif en faveur du RPT, qui pour conserver le pouvoir en 2005, a tué un millier de personnes. Au contraire, ces derniers temps, le mur de séparation serait épaissi avec Faure Gnassingbé et sa bande à la tête de l'Etat.

Dans les faits, nous sommes de ceux qui croient que le mur de séparation n'existe pas entre le nord et le sud au Togo. Tous les fils de ce pays veulent la liberté et une gestion saine du patrimoine commun. C'est le pouvoir politique qui, pour se donner une certaine légitimité, construit et élève ce mur de séparation en utilisant certains secteurs étatiques à savoir l'armée, les services de sécurité et les administrations. Encore une fois, nous devons proclamer que le Nord n'est pas un bloc monolithique qui serait opposé à la démocratie au Togo. Une telle conception des choses expose le Togo à des lendemains sombres. Il faut stopper net cette façon imbécile de monter les uns contre les autres dans ce pays. Le RPT ne peut indéfiniment se réfugier derrière cette pratique pour s'octroyer des victoires qui sont en réalité de cuisantes défaites.

Ou le RPT et ses alliés laissent les choses se faire comme cela se doit et on reconstruit ensemble le Togo dévasté, dévalisé, sacrifié et bradé de père en fils ou on sera contraint, à l'allure où va ce montage grotesque, d'avoir deux États: celui du Nord et celui du Sud ayant deux régimes politiques diamétralement opposés car, on pourrait finir par avoir un Sud qui n'accepte plus d'être l'otage d'un Nord fictivement attaché au clan Gnassingbé.

Si nous étions le Christ et si les dirigeants du RPT et leurs alliés étaient inconscients de tout le mal qu'ils font au peuple Togolais, nous aurons demandé à Dieu le Père de le leur pardonner. Non seulement, nous ne sommes pas le Christ mais le RPT et ses amis ont parfaitement conscience de qu'ils font. C'est pour cela que nous demandons à Dieu de ne pas leur pardonner car, ils savent ce qu'ils font.

Des analystes parlent du rôle du découpage électoral qui aurait joué un tour à l'opposition qui partait confiante à ces législatives...
Permettez nous de répondre à ces analystes que le Peuple Togolais, quelque soient le découpage électoral, le mode de scrutin et le type de bulletin de vote, ne saurait attribuer au RPT, un tel score sans remettre en cause l'engagement ferme dont il a fait preuve, aux prix de milles sacrifices ces 20 dernières années, pour se débarrasser du joug dictatorial. Évitons de tomber dans le piège du pouvoir en disant que c'est le découpage qui a fait le jeu. Au contraire, si ces analystes croient en la lutte du peuple togolais pour la liberté et à l'autodétermination, puisqu'il s'agit bien d'une lutte pour l'autodétermination, ils n'allaient pas déclarer de pareilles choses. Cependant, il est notoire que le découpage a rendu inégal le suffrage. C'est justement pour cette raison là que les résultats doivent être contestés par tout citoyen togolais en vertu de l'égalité du suffrage garantie par la Constitution. Il n'est pas question de prendre acte du fait accompli comme certains esprits malins le proclament.

Dans ce sens, nous saisirons la cour constitutionnelle en tant qu'organisation citoyenne afin que les élections soient annulées pour inégalité notoire du suffrage universel. Incontestablement, certains Togolais pèsent plus que d'autres à l'Assemblée nationale. La représentativité est très mal assurée et c'est inacceptable. Oui, nous sommes d'avis que la faute est à l'opposition. Encore faut-il qu'en toute humilité, nous puissions établir nos propres responsabilités en tant que citoyens Togolais, pour n'avoir pas posé le problème et insisté là-dessus au moment propice. Et après, on croise les bras? Ce n'est pas une question de partis politiques. C'est plutôt le devoir de tout citoyen digne de ce nom de revendiquer l'égalité de tous aussi bien en devoirs qu'en droits. Si les Togolais doivent être égaux devant la loi, ils doivent l'être davantage devant les urnes.

Autrement dit, allez-vous appuyer les démarches de l'UFC qui aussi déclare vouloir saisir la cour constitutionnelle?

En termes clairs, nous n'appuyons personne. Nous nous battons pour la démocratie. Nous croyons savoir d'ailleurs que l'UFC a saisi la cour constitutionnelle afin que les voix abusivement annulées à son détriment puissent être reconsidérées. Nous autres, notre démarche va dans le sens de l'annulation du vote pour inégalité du suffrage. Certains Togolais, selon le découpage électoral ayant conduit aux législatives, ont moins de valeur que d'autres. A certains endroits, par exemple, 1000 Togolais ont le droit d'élire 1 député alors que dans d'autres c'est 10000 Togolais qui peuvent élire 1 député. C'est injuste et contraire à la constitution togolaise.

N'importe quel candidat battu pouvait intenter un recours devant la Cour constitutionnelle qui aurait été obligée d'affronter une question fondamentale en démocratie. Aucun, à notre connaissance ne l'a fait. Pourquoi? Si ce ne sont pas des imbéciles, ils sont au moins malhonnêtes ou incapables. Si les candidats ne sont pas capables de demander l'application de la loi notamment les articles 5 et 11 de la constitution, méritent-ils la confiance des électeurs?

Croyez-vous que cela valait la peine de saisir la Cour Constitutionnelle quand on sait que cette dernière a toujours validé des élections frauduleuses dans ce pays? Croyez-vous que votre recours va servir à quelque chose?

Ce serait idiot de penser que votre question n'a pas de sens. Mais, permettez nous de ne pas injurier le chef canton avant de porter notre litige devant lui. Il peut rendre une décision injuste en faveur de notre adversaire parce que nous l'avons disqualifié à l'avance. Même si nous connaissons parfaitement le fonctionnement des institutions dans notre pays, nous n'allons pas dire en ce moment précis que la Cour Constitutionnelle est contre la démocratie au Togo. Il y a un temps pour tout.

Cependant beaucoup de nos compatriotes posent les mêmes questions que vous. Ils ou elles ont raison. Mais, il faut leur répondre que cela vaut la peine dans le genre de lutte que nous menons. Notre révolte doit avoir des fondements pour mériter des sympathies. Pour cela, aucune étape ne doit être brûlée. Nous sommes très pressés, raison pour laquelle nous allons doucement.

Propos recueillis par Ferdinand AYITE

29 octobre 2007

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