Komla KPOGLI
13 janvier 2012
Web: http://lajuda.blogspot.com
Le 27
avril 1960, le Togo, sous la direction de Sylvanus Olympio, proclama son
indépendance après la tutelle française qui a suivi la colonisation allemande.
Deux ans plus tôt, les populations du territoire du Togo avaient voté pour
l'affranchissement de cette tutelle après une série de tentatives d'étouffement
et de trucages électoraux opérés par l'administration française qui ne voyait
pas du tout d'un oeil favorable les démarches du peuple du Togo. Pour retarder
les choses ou les bloquer, la France avait estimé que le Togo lui devait 800
millions de francs, ce qui, selon les autorités françaises, équivalait aux
dépenses que la tutelle aurait coûté. M. Olympio en homme avisé, comprit très
tôt qu'un pays qui se proclame indépendant tout en étant "endetté" ne
saurait être libre. Ainsi, consacrait-il deux ans avec l'effort du peuple à
travailler pour payer ces 800 million de francs et pour doter le pays de
quelques infrastructures à la mesure de l'évènement à célébrer en 1960.
Mais la
France n'entendait pas laisser faire. Le général De Gaulle au pouvoir dans
ces années-là considérait que l'indépendance de ses territoires d'Afrique doit
se faire dans le cadre qu'il aura défini. Et ce cadre doit garantir ses divers
intérêts coloniaux. Cette vision des choses heurtait les convictions du peuple,
de M. Olympio et ses amis pour qui l'indépendance du Togo devrait se
caractériser par:
. une
vision sociétale qui met les citoyens du Togo au centre de toutes les
préoccupations et non les intérêts occidentaux.
. la rupture avec le franc CFA (Franc des colonies françaises d'Afrique) et une
autonomie de battre monnaie.
. la
construction d'infrastructures pour rendre viable l'économie togolaise
notamment un port autonome à Lomé.
. la révision des contrats miniers notamment celui sur le phosphate que la France
exploitait gratuitement depuis de longues années déjà.
. l'absence de coopération militaire avec la France car le Togo entendait
construire une armée faite uniquement de gendarmerie et de police.
. le développement accéléré des secteurs clés à savoir: l'agriculture pour nourrir
les populations, la santé et l'éducation.
La
France voyait là de graves menaces. Après son opposition à la construction d'un
port maritime à Lomé sous le prétexte que le Dahomey à côté en avait un en
construction, la France voyait un danger encore plus grand qu'elle devrait
juguler. Sylvanus Olympio voulait rompre avec le franc CFA et battre sa
propre monnaie. A cet effet, il avait donc préparé avec la banque de
France un accord de rupture qui devait être signé le 15 janvier 1963. La
menace se fit plus précise, lorsqu'après échec de toutes les tentatives
françaises de le dissuader allant des propositions les plus mirobolantes à la
menace de mort, Sylvanus Olympio lança un appel d'offre d'émission qui fut
remporté par l'Angleterre qui émettrait une nouvelle monnaie qui serait
garantie par l'Allemagne.
La
France voyant que rien n'arrêtait les indépendantistes du Togo a décidé de
mettre fin à la vie de l'homme qui pilotait la machine. Car si le Togo
réalisait son projet monétaire, la toile de la zone franc que la France avait
patiemment tissée autour de ses proies africaines aura cédé et les proies pas
totalement mort se seraient libérées. Et le plan de "l'indépendance-collaboration"
aura vécu.
La
France va se servir des seconds couteaux démobilisés en Algérie pour abattre
Sylvanus Olympio. Le scénario est simple: la France va pousser ces soldats
coloniaux, des tirailleurs sénégalais qui avaient combattu contre leur propre
continent pour que vive le pouvoir colonial à aller demander leur intégration
dans l'armée nationale du Togo indépendant. La France était convaincue que
Sylvanus Olympio qui fut aux antipodes de ces tirailleurs et qui n'entendait
pas avoir une armée de militaires, s'opposera à cette demande. Et ce fut le
cas. Le prétexte fut ainsi tout trouvé. Sylvanus Olympio était immédiatement
dépeint comme un tyran dont la haine est orientée contre les gens du Nord
notamment les Kabyè.
La nuit
du 12 au 13 janvier 1963, la France lâcha ses caniches derrière le président
Olympio qui trouva refuge au sein de la résidence de l'ambassadeur des
Etats-Unis d'Amérique. Ce dernier, Leon Pollada, informa aussitôt les autorités
françaises qui y avaient envoyé les tueurs l'abattre, sous le
patronage du commandant de la gendarmerie Georges Maîtrier. Le matin du 13
janvier à 07 h, M. Olympio fut abattu. Eyadéma Gnassingbé revendiqua
publiquement l'assassinat (mais Eyadéma dira plus tard que ce n'était pas lui
qui avait tiré sur le président laissant croire à l'oeuvre d'une main française
directe. Laquelle? Quelques sources avaient évoqué le nom de Georges Maîtrier
lui-même.). Et la France officielle pleura de chaudes larmes de crocodile. Cet
assassinat porte la marque de la France car, la mort du président Olympio fut
annoncée par la radio France Inter à 06 h du matin, soit une heure à l'avance.
Comme ce fut le cas avec le coup d'état contre Mamadou Tandja du Niger en
février 2010 qui fut annoncé par Bernard Kouchner avant même sa réalisation sur
le terrain.
La
parenthèse autonomiste fut fermée ainsi dans le sang. Le 13 janvier 1963 a été
décrété le jour de la fête de libération nationale. Cette fête macabre célébrée,
jusqu’à une date récente où elle a été ralentie, tous les ans avec faste et
grandioses défilés civilo-militaires enregistrait toujours la participation des
officiels français et d’autres pays aussi bien de l’Ouest que de l’Est à qui des décorations diverses sont accordées. Le
territoire, depuis cette date, est depuis lors plongé sous un régime
militaro-policier et remis dans le bain franco-africain. L'assassinat d'un
premier président élu africain après l'assassinat un peu plus tôt du premier
1er ministre en la personne de Lumumba au Congo signa ainsi le début de la fin de
la marche de peuple africain vers son indépendance.
Le 19 septembre 2009, nous écrivions ceci dans une interview
réalisée avec Camus Ali du Lynx: "En procédant à l’assassinat de
Sylvanus Olympio, la France et les USA ont installé au Togo par le truchement
de soldats anti-indépendantistes, incultes et aliénés pro-colonialistes, le
chaos. Ils ont semé le crime qui, en se reproduisant dans une impunité absolue,
ne cesse de ronger l’âme de notre peuple. C’est en cela que la lutte pour notre
affranchissement reste entière. Nos ancêtres l’ont commencée. Ils ont été
écrasés. A nous de reprendre le flambeau en ayant la capacité de ne pas répéter
certaines de leurs erreurs."
Pour finir, disons que le meilleur hommage que nous puissions rendre à tous ces martyrs africains, c'est, tout en tirant tous les enseignements de leurs oeuvres, de perpétuer leur combat pour l'avènement d'une Afrique totalement libérée, reconstruite et définitivement protégée contre toute agression coloniale.
Un
entretien réalisé avec Radio Kanal FM en 2009 sur l'assassinat de Sylvanus
Olympio.
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