dimanche 5 avril 2015

AFRIQUE: DU DEVOIR DES AFRICAINS DE REDRESSER UN CONTINENT ENTIEREMENT CHAMBOULE.

Reconfigurés* progressivement par les divers peuples qui les ont dominés depuis l’Egypte pharaonique, les africains sont engagés dans la voie du non-retour du renoncement à soi au VIIème siècle avec l’islamisation avancée de leurs terres. Avec l’avènement des razzias négrières transatlantiques au XVème siècle, les africains ont touché le fond du renoncement à soi.


Du matriarcat, la société africaine est devenue patriarcale. Du pouvoir fondé sur des chartes sociales en étroite liaison avec les ancêtres et les problèmes à résoudre dans le présent et dans l’avenir, l’Afrique est passée à une nouvelle légitimité calquée sur l’absolutisme royaliste du type occidental. D’une terre non commercialisable vouée une agriculture orientée vers les besoins intérieurs, l’Afrique est passée aux cultures intensives d’exportation. Transformés en collaborateurs et en messager-consommateurs par leurs différents conquérants, les africains sont pourvus de nouvelles religions, d’une nouvelle morale, de nouvelles institutions, de nouvelles langues. Ainsi, renoncent-ils lentement mais sûrement à leur propre génie linguistique qui se trouve ainsi relégué au rang de vernaculaires incapables d’être modernisées, et donc condamnées à une mort lente. Pour preuve, les parents africains laminés et refaits eux-mêmes, brillent de fierté de savoir et de faire savoir que leurs enfants, ignorant leurs langues maternelles, ne parlent plus que l’arabe, le français, l’anglais, l’espagnol, le portugais, plus actuellement le chinois.
Nana Christian ESTROSI IV, Roi des rois en Côte d'Ivoire....


Habillés par l’industrie étrangère, beaucoup d’africains ne s’estiment « grand quelqu’un » qu’en costume-cravaté. Aussi bien la fameuse élite au sommet que le petit paysan qui, le dimanche, assiste à la messe dans son costume acquis dans la friperie à un prix mille fois moindre qu’une tenue localement confectionnée, chacun érode petit à petit jusqu’aux spécificités vestimentaires, ne serait-ce qu’en tenant compte du climat tropical.

Inscrits de force dans un premier temps, puis de leur plein gré à l’école coloniale d’où beaucoup sortent « bardés de diplômes », les africains jouent parfaitement leur partition dans la consolidation de l’occidentalisation du monde. Devenus l’élite, construite de l’extérieur pour remplacer la gouvernance authentiquement africaine qui a fait ses preuves dans les phases historiques les plus brillantes de l’Afrique, ces nouveaux africains moulés à l’aune du projet colonial global vont constamment violer la société africaine pour l’obliger à se débarrasser davantage de sa personnalité. Cette élite a ainsi le fondement de son pouvoir dans l’entreprise de démolition de la société africaine engagée directement par les maîtres eux-mêmes dont elle est la continuité. En travaillant activement à effacer les traces des ancêtres africains, cette élite fabriquée de toutes pièces a égaré le peuple noir à qui il ne reste donc plus qu’à imiter platement les autres jusqu’à en devenir les instruments dans leurs desseins.

C’est l’Afrique entière qui se trouve chamboulée dans sa conception des choses. Ainsi, est-elle passée d’une civilisation qui, comme toute autre voulant maîtriser ses pas, doit Etre avant d’Avoir, à une civilisation qui veut Avoir avant d’Etre.

Ceux qui veulent que les choses changent, si c’est vraiment leur désir, ne peuvent plus continuer à vouloir avoir raison les uns contre les autres dans une ambiance de détestation cordiale ou d’indifférence. Dénoncer, chacun dans son coin, ne suffit et ne suffira jamais. C’est pourquoi, nous sommes obligés de réunir les énergies disposées à aller dans le même sens sous un leadership nouveau et responsable pour engager la lutte pour la reconquête de notre espace confisqué et détourné vers la satisfaction des besoins et projets qui, non seulement ne sont pas les nôtres, mais qui sont surtout contre notre progrès collectif. 

Nous l’avons dit et redit : les grands changements historiques, avant d’être l’affaire de la masse, sont l’œuvre d’un noyau d’individus à l’esprit vif et actif. C’est ce noyau qui, par sa force de conviction et d’entraînement, vulgarise les solutions mûrement réfléchies et théorisées, et pilote la lutte jusqu’à sa phase finale de la reconstruction, tout en s’assurant d’avoir suffisamment préparé de nouvelles générations aptes à continuer et à perfectionner, si besoin, le projet. Ce travail, comme on peut le voir, est des plus compliquées des entreprises. C’est pourquoi, il ne peut être laissé dans n’importe quelle main qui va le couler dans la légèreté et l’immobilisme. Il s’agit de remettre l’Afrique à l’endroit, de la remettre sur sa voie naturelle de progrès d’où les africains ont été détournés, de faire asseoir sa modernisation sur ses valeurs culturelles préalablement tamisées, de lui construire des digues pouvant recueillir tous les flots continus venant de l’extérieur et d’en opérer un tri pour ne retenir que le positif. 

Il s’agit de lancer résolument l’Afrique vers la grandeur dont elle a toutes les potentialités. Ce n’est pas en cherchant continuellement à se rogner les pieds pour les faire entrer de force dans les chaussures qui leur sont taillées de l’extérieur que les africains redeviendront des acteurs de leur histoire. Au contraire, en agissant ainsi, l’on se prive de ses propres capacités créatrices intrinsèques et au bout de cette démarche, c’est la défaite assurée. 

En janvier 2012, nous écrivions qu’avec un leadership éclairé et courageux, les peuples les plus médiocres ont pu faire des bonds dans l'histoire, que nous devons abandonner l’attitude typiquement négro-africaine qui nous pousse à haïr, à détester et à isoler celles et ceux de nos enfants qui sont lucides et capables d'imprimer un rythme de marche adapté, et qu’il faut renoncer à la conviction que l’homme noir n’a pas d’ennemis, malgré les faits historiques évidents prouvant que les africains n’ont ni amis ni alliés dans le monde, et qu’enfin les africains doivent cesser de croire de toute leur force dans les religions d'autrui et dans un humanisme internationaliste qui combat les mêmes prédateurs à leurs côtés. » Nous confirmons ici ces propos.

Pour conclure, gardons les deux clés essentielles à l’esprit: prendre conscience de la gravité de la situation et organiser la lutte à mener sous un leadership radicalement nouveau et n’obéissant pas aux critères de l’extérieur. Le MOLTRA est dans cette perspective.

* La reconfiguration est la réorganisation des connexions entre les unités d'un système fonctionnel complexe, lorsque certaines sont supprimées et que de nouvelles unités apparaissent.


5 avril 2015
KPOGLI Komla
SG du MOLTRA

Web : http://lajuda.blogspot.com

3 commentaires:

Serge Charbonneau a dit…

Bonjour M. Kpogli,

C'est une leçon d'Histoire que vous nous livrez avec brio et humilité.

Ce n'est pas qu'une mince affaire « redresser un continent à ce point chamboulé » !

Que «les Africains aient touché le fond du renoncement à soi» est une bonne chose. C'est dire que les Africains ont atteint le fond et ne peuvent pas descendre plus bas et que désormais le seul mouvement possible est vers le haut.

Non seulement pour l'Afrique, mais je crois que pour le monde entier, le matriarcat pourrait nous redonner à tous ces valeurs humaines qui semblent s'être dissoute comme du sucre dans l'eau sans jamais la saturer.
Je crois que tous les peuples auraient beaucoup à apprendre du matriarcat africain si vous pouviez le restaurer.
La sagesse des femmes est à l'image de la sagesse africaine et ces sagesses ont été étouffées par la force brute et la cupidité patriarcale.
L'Afrique est aussi reconnue pour son respect de la sagesse de ses ancêtres, ce que notre monde occidental ne respecte pas beaucoup.

Vous parlez de la terre non commercialisable, vous me faites penser à Evo Morales, ce digne représentant des peuples indigènes de l'Amérique du Sud. Pour eux aussi la terre est non commercialisable et M. Morales nous rappelle souvent et avec raison, de respecter notre mère la terre qui nous appartient tous.

Dans notre monde où chacun défend avec des clôtures ses bouts de terrain, il est devenu bien difficile de comprendre le respect pour les habitants et le partage commun de la terre.

Aussi cette notion que la terre doit servir ses habitants plutôt que l'étranger. Le désastre non seulement en Afrique, mais partout des mono-cultures à grande échelle servant à enrichir des multinationales au détriment des cultures diversifiées pouvant apporter l'auto-suffisance aux populations locales.

Serge Charbonneau
Québec

Serge Charbonneau a dit…

M. Kpogli

Lorsque vous parlez du vêtement, je revois Mouammar Kadhafi qui portait fièrement ses vêtements africains. Mouammar Kadhafi qu'on a assassiné parce qu'il avait tatoué sur le coeur, le continent africain exactement comme on pouvait le voir sur pratiquement tous ses costumes.
Ça me rappelle aussi le discours du grand Thomas Sankara, qu'on a aussi assassiné et qui disait à l'Afrique d'utiliser son coton et ses fibres pour fabriquer ses vêtements. (à 16 minutes de son sublime discours d'Addis Abéba : http://www.dailymotion.com/video/x17idb_discours-de-thomas-sankara-a-addis_news ).

Être avant avoir ! Oui, quelle sagesse.
Ça me fait penser ici aussi à Evo Morale qui tente de faire comprendre aux gens la différence entre le «buen vivir» et le «mejo vivir». On oublie souvent de simplement être conscient de notre bien vivre et on perd sa vie en courant toujours vers un vivre mieux. Le capitalisme nous inculque le désir de ce qu'on n'a pas en nous faisant oublier ce que l'on a.

Je souhaite aux Africains de s'unir, un peu à la manière des Sud-Américains qui, par la solidarité entre les différents Pays indépendants, ont su laisser tomber la compétition destructrice pour la coopération constructrice. Solidarité et coopération. C'est ce à quoi les deux grands leaders mondiaux malheureusement disparus tous les deux, Mouammar Kadhafi et Hugo Chávez travaillaient.

Je crois, selon mon humble avis, que l'Union africaine devrait être une véritable «union» africaine au service de l'Afrique et non au service des exploiteurs étrangers occidentaux. Cette Union doit être forte et favoriser la solidarité et la coopération. Je crois aussi, à mon humble avis, que les Pays exploités du Sud doivent s'unir à travers des forums de coopération comme ces sommets Afrique-Amérique latine mis en place par les deux leaders disparus.

Je crois que l'Afrique a tout. Elle a des richesses et elle a de l'intelligence. Il faut que les Africains trouvent le moyen de s'affranchir des exploiteurs et s'affranchir de ce sentiment que l'Afrique est pauvre ou n'a pas les moyens d'Être.

Je crois que vous avez bien raison de dire que les Africains doivent «abandonner l’attitude typiquement négro-africaine qui les pousse à haïr, à détester et à isoler celles et ceux» qui voient les capacités réelles de l'Afrique et leurs moyens. Les Africains ne doivent compter que sur eux-mêmes, mais en se tenant fièrement debout, ils peuvent aussi trouver de véritables amis avec qui ils peuvent accepter de coopérer en étant toujours prudents et toujours conscients de travailler avant tout pour l'intérêt africain.

Je souhaite pleine réussite à la MOLTRA.


Salutations,

Serge Charbonneau
Québec
veliserdi@hotmail.com

Dr. Shungu M. Tundanonga-Dikunda a dit…

Cher Mr. Kpoli,
Un des meilleurs essais, une des meilleures réflexions de ces dernières décennies, surtout après les Cinquantenaires des indépendances pipées, sur le destin du continent africain bradé, piétiné, flagellé par ses propres enfants.
Votre essai appartient à la catégorie de l'intervention du regretté Jacques Rabemananjara, au Congrès de Rome (1959), sur les voleurs de langue, que nous sommes, nous les Noirs.
Lorsque je vois ce Mr. couronné "roi" par les Africains, quelle humiliation pour les ancêtres de ces faiseurs des rois non-africains! Cette photo rappelle celles prises par les « découvreurs de l’Afrique » avec les rois et les nobles africains. Et même, si l'Europe médiévale avait des reines et des rois noirs, des nobles et des aristocrates noirs, qui peut s'imaginer une maison royale européenne couronnant une reine noire, un roi noir, en ces temps? Un exemple.
Le fils d’Albert de Monaco est afro-monégasque, avec une femme africaine noire (Togo) :
Selon la mère, Albert de Monaco délaisserait son fils caché: http://www.leparisien.fr/laparisienne/familles-royales/albert-de-monaco-delaisse-son-fils-selon-sa-mere-29-04-2014-3804437.php>;
article original avec photos de l’heureux papa avec son fils et avec sa copine Black : http://www.dailymail.co.uk/femail/article-2614075/Why-DOES-Prince-Monaco-refuse-son-Fashion-designer-child-Albert-claims-impossible-10-year-old-dad-hes-married-Princess-Charlene.html.
http://www.lefigaro.fr/culture/2014/06/12/03004-20140612ARTFIG00263-photos-du-fils-cache-d-albert-ii-paris-match-etait-dans-son-droit.php
Pour conclure, un petit réajustement du titre, contribuera à appuyer davantage vos arguments: "Redresser la dignité de l'Afrique: une mission pour les Africaines, les Africains d'Afrique et de la diaspora."